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La visite de Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, met du baume au cœur des salariés en grève de la Polyclinique, choqués par les assignations

dimanche 11 décembre 2016 par Rédaction

Le week-end a bien commencé pour les grévistes de la Polyclinique de l’Ormeau-Pyrénées, avec la visite de soutien du secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, qui a déjeuné avec eux. Une manifestation de soutien appréciée, après le coup de massue des 17 assignations devant le tribunal de Tarbes. De son côté, Wilfrid Zaparoli, percuté par la voiture d’un médecin il y’a deux semaines, raconte les séquelles de cet accident qui n’a pas encore eu de suite judiciaire. Le loto de soutien à Séméac a permis de récolter 11 000 euros, auxquels vont s’ajouter les 5000 euros de collecte remis par Philippe Martinez. En fin de journée, les salariés et la CGT ont adressé au Premier Ministre un courrier récapitulant les revendications, dont la satisfaction par la direction constitue pour eux un préalable à la reprise du travail.

Dans le terrible bras de fer qui oppose depuis 33 jours les salariés de l’Ormeau-Pyrénées et la direction de la Polyclinique, chaque soutien est désormais le bienvenu pour les grévistes. Ce samedi 10 décembre 2016, le plus célèbre moustachu de France est venu partager le déjeuner des personnels soignants, engagés dans l’un des conflits sociaux les plus longs de la décennie en Bigorre. La visite de Philippe Martinez confère une dimension nationale à la grève de la Polyclinique, notamment grâce au courrier adressé à ce sujet par le leader de la CGT à la Ministre du Travail, Myriam El Khomri. Il n’arrive pas les mains vides, puisqu’il apporte aussi un chèque de 5000 euros, pour contribuer à compenser les importantes pertes salariales provoquées par la grève. Philippe Martinez prend le temps d’échanger avec les grévistes et de répondre aux interviews des médias locaux. Puis, il va fumer une cigarette avec les cheminots venus soutenir les salariés de la Polyclinique, se plie à la tradition des « selfies », avant de s’attabler pour partager le déjeuner à la cafétéria de l’Ormeau-Centre.

« Sa venue nous fait chaud au cœur », confie Véronique, l’une des infirmières présentes. « Cela nous montre bien que nous ne sommes pas seulement traversées par une crise existentielle, mais que notre malaise professionnel est profond. Ils vont bien finir par se rendre compte, à la direction, que nous ne sommes pas folles ! Je crois que nous nous sommes tues beaucoup trop longtemps … ». Véronique a participé à la grève pendant plusieurs jours, avant de reprendre son travail « pour des raisons personnelles ». Mais elle continue à soutenir l’action collective de ses collègues. « Je fais la grève du zèle dans mon service. Et tous les jours, je passe saluer les copines qui poursuivent la grève, y compris pendant mes jours de repos. Je continue à soutenir ce mouvement social, parce que nous n’avons plus les moyens aujourd’hui de soigner les patients correctement. Si nous ne réagissons pas, nous finirons par sombrer dans la maltraitance, faute du temps nécessaire pour prendre soin de chaque personne ». Véronique a été profondément choquée par la nouvelle de l’assignation signifiée à 17 de ses collègues devant le tribunal de Tarbes. « Je suis écoeurée, je trouve cela d’une profonde bassesse. Nous ne sommes pas des « connes », nous défendons le droit à la santé. Cette action de la direction est vraiment minable ». Aurélie, une infirmière gréviste, dénonce « un procédé qui s’apparente à la ‘décimation’. La direction a choisi des personnes au hasard, cela aurait pu être n’importe laquelle d’entre nous. Leur objectif est de nous intimider et de nous diviser, mais cela ne marchera pas ». Bernadette, Agent de Service Hospitalier, fait partie des 17 personnes assignées au tribunal mardi prochain. « Le libellé de l’assignation mentionne l’occupation des locaux et la séquestration. Cela fait référence au blocage de la villa administrative la semaine dernière. Mais nous n’avons séquestré personne. La direction a interdit au personnel de sortir, et elle nous fait porter le chapeau ! ».

Très pâle, Wilfrid Zaparoli, le secrétaire départemental de la CGT Santé et Action Sociale, percuté par la voiture d’un cardiologue de la clinique il y’a 11 jours, confie qu’il doit repasser un scanner jeudi « pour savoir si j’ai une fissure au niveau d’une vertèbre ». Il précise qu’il a des douleurs dans le bas du dos, ainsi qu’à la nuque, « car j’ai eu le coup du lapin ». Wilfrid explique aussi qu’il a des étourdissements dans la journée, et qu’il fait des cauchemars la nuit. « Dès que je vois une voiture s’approcher, je sursaute ». Il se dit lui aussi « dégoûté par l’assignation au tribunal des 17 membres du personnel soignant de la Polyclinique ». Wilfrid Zaparoli a déposé une plainte contre le médecin le 29 novembre dernier. « Je n’ai toujours pas de nouvelles, alors qu’ils m’avaient dit que l’on devait me rappeler rapidement. Pour ceux qui mènent des actions collectives, la justice est très rapide. Mais quand une personne opposée à la grève manque d’écraser un représentant syndical, c’est beaucoup plus lent, même si ce n’est pas la même juridiction. Je ressens l’impression d’un « deux poids, deux mesures » dans cette histoire ».

Malgré tout, le moral des salariés de la Polyclinique reste solide, notamment en raison des multiples soutiens dont ils bénéficient, et aussi de la réussite spectaculaire du loto de solidarité, vendredi soir à la salle Léo Lagrange de Séméac. « Nous avons réussi à collecter 11 000 euros grâce à cette soirée », raconte Marie-Pierre, Agent de Service Hospitalier. « Nous avons vu passer près de 1000 personnes. Il n’y avait pas assez de place, nous avons même dû refuser du monde. Plusieurs personnes sont passées, juste pour nous remettre un chèque et nous dire un mot d’encouragement. L’un des animateurs du loto nous a confié : ‘si vous aviez retenu le parc des expositions à Tarbes, vous auriez probablement réussi à remplir la grande salle’. Cette incroyable mobilisation nous donne l’énergie pour continuer notre grève ». Une analyse abondée par Wilfrid Zaparoli : « les filles ont déjà gagné, d’une certaine façon, car désormais, toute la population est derrière elles ». Mais les négociations n’ont pas encore repris. Ce samedi soir, après une assemblée générale des salariés, Laurence Charroy, déléguée CGT de la Polyclinique, et trois responsables de la CGT dans les Hautes-Pyrénées, ont écrit, au nom des grévistes, au Premier Ministre Bernard Cazeneuve. Ils ont adressé le même courrier à la Ministre de la Santé et des affaires sociales, Marisol Touraine, à la Ministre du travail, Myriam El Khomri, aux députés des Hautes-Pyrénées, Jean Glavany et Jeanine Dubié, et à la Préfète des Hautes Pyrénées, Béatrice Lagarde.

Dans cette lettre, ils détaillent les revendications dont la satisfaction entraînerait la reprise du travail. Pour les salaires, ils réclament : l’augmentation de la valeur du point de 7,25 à 7,38 euros ; la mise en place d’un 13ème mois en lieu et place de la RAG ; et la mise en place d’une prime de fin d’année pérenne de 900 euros. Ils précisent que « ces dispositions doivent s’appliquer pour les coefficients les plus bas, sur le salaire réajusté à hauteur du SMIC ».

Concernant les conditions de travail, les salariés demandent : « la prise en compte des temps de pause en travail effectif ; la prise en compte de la durée du temps de travail de nuit de 35 heures à 33,60 heures rémunérées sur la base de 35 heures/semaine pour tous les salariés ; l’abandon de la mise en place du projet concernant les services d’hospitalisation de semaine et de chirurgie conventionnelle ». Ils réclament aussi « de prendre en compte et de mettre en place les plannings et le projet réalisés par les salariés : d’avoir des équipes distinctes par services Hospitalité de Semaine 1, 24 lits + Hospitalité de semaine 2, 12 lits= 3 binômes Infirmière/Aide-Soignante en jour et 2 infirmières 1 Aide-Soignante en nuit. Pour le service de chirurgie conventionnelle 25 lits 2 Binômes Infirmière/ Aide-Soignante en jour et 1 binôme infirmière / aide-soignante en nuit 7 jours sur 7 ; et de maintenir une organisation de travail intégrant les équipes d’Agents de Services Hospitaliers aux équipes de soins en respectant les effectifs déjà mis en place ». Ils demandent à la direction de « s’engager à remplacer les personnels absents et à mettre en place un pool adapté en respectant l’articulation vie professionnelle / vie privée, de mettre en place des plannings fixes et de respecter un délai de prévenance de 24 heures pour tout changement d’horaires. » Enfin, ils réclament « le réaménagement des postes d’AS des urgences, en actant le principe d’une semaine sur deux en ambulatoire/une semaine sur deux aux urgences. De conserver le demi-poste d’ASH au bloc obstétrical. De conserver un accueil physique sur les deux sites en maintenant les postes des hôtesses d’accueil et d’admission. Et en Cardio 4 : la mise en place d’un planning fixe sur trois mois ou à défaut l’attribution de la prime de volante ». La balle est désormais dans le camp de la direction de la Polyclinique. En attendant sa réponse, les grévistes et leurs soutiens se préparent à accueillir dimanche midi la visite du docteur Patrick Pelloux, l’un des urgentistes les plus célèbres de France.

Jean-François Courtille

Diaporama (Photos JF Courtille et Michel Bonnet)