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Le combat pour la dignité des ASH de l’Ormeau

samedi 12 novembre 2016 par Rédaction

Le mouvement de grève des salariés de la Polyclinique de l’Ormeau, à Tarbes, a été reconduit jusqu’à dimanche. Une réunion de crise a lieu ce samedi soir à la Bourse du Travail, entre les salariés, l’Agence Régionale de Santé et la Sous-Préfète, après l’échec de la réunion de négociation avec la direction de la Polyclinique. Après avoir rencontré la députée Jeanine Dubié à sa permanence parlementaire, près de 200 salariés se sont rassemblés devant le site d’Ormeau-Pyrénées samedi midi et ont distribué des tracts aux automobilistes. Parmi les grévistes de l’Ormeau, une catégorie du personnel souvent méconnue, celle des Agents de Service Hospitalier, lance un cri de révolte et de dignité.

Elles ont l’amour de leur métier chevillé au corps, et dénoncent un manque de respect et de reconnaissance de la part de leur direction. Séverine, Chantal, Micheline, Paola, Aurélie, Sylvie, Patricia, Mado, Isabelle et Anne-Marie sont Agents de Service Hospitalier (ASH) à la Polyclinique de l’Ormeau, qui comporte deux sites sur Tarbes : l’Ormeau-centre, près du lycée Marie Curie, et l’Ormeau-Pyrénées, le long du boulevard périphérique. Elles participent à la grève des salariés de la Polyclinique depuis quatre jours, et sont rassemblées devant le site de Pyrénées ce samedi 12 novembre, aux côtés de leurs 200 collègues. En attendant le retour de leurs délégués, partis négocier avec la direction, les ASH racontent leur quotidien au sein de la Polyclinique. « Nous travaillons la plupart du temps en équipe avec les aides-soignants. Nous assurons à leurs côtés les repas, les déplacements et les départs des patients. Individuellement, nous avons aussi la responsabilité des petits déjeuners et du nettoyage des chambres. Nous composons les menus avec les patients, en utilisant un boîtier électronique, et nous sommes amenées à effectuer les électro cardiogrammes. Enfin, nous recueillons souvent les confidences des patients. Cela contribue à la qualité du travail en équipe, car nous échangeons nos informations avec les aides-soignants et avec les infirmières ». Chaque petit service compte en principe une ASH. Elles sont deux dans les grands services. A l’Ormeau Centre, les ASH travaillent de 8h à 13h et de 15h à 20h, soit dix heures par jour. A l’Ormeau-Pyrénées, elles sont présentes de 8h à 13h30, et en alternance sur des séquences entre 10h et 20h, plus deux dimanches par mois, de 8h à 20h. Les ASH sont payées au SMIC, sur la base mensuelle de 151 heures 67. Une personne avec 15 ans d’ancienneté, travaillant deux dimanches par mois, gagne 1260 euros nets. Avec 30 ans d’ancienneté, elle atteint 1280 euros nets. Elles posent leurs congés six mois à l’avance, sans certitude d’être remplacées. Malgré ces conditions difficiles, elles aiment leur métier, et ont envie de continuer à l’exercer.

Mais la situation se dégrade depuis plusieurs mois au sein de l’établissement. « Lors des entretiens individuels, à partir de mars 2016, notre hiérarchie nous a informées que nous changions de profils de poste. Nous ne serons plus des ASH, mais des ESH (Employées de Service et d’Hygiène). La direction veut nous séparer des équipes soignantes, contre l’avis des médecins, des infirmières et des aides-soignants. Nous allons être cantonnées à des tâches d’entretien et d’hygiène, alors que jusqu’ici, notre rôle auprès des patients était essentiel, en complémentarité avec les collègues des autres métiers. La préparation des menus avec les patients, la distribution des repas, les électrocardiogrammes, et surtout, cette écoute quotidienne des personnes, nous permettaient de contribuer à la qualité de l’accueil au sein de la Polyclinique ». Elles ont reçu comme une gifle la réflexion de l’un de leurs cadres lors d’une réunion d’information : « désormais, vous serez des femmes de chambre ». Une phrase qui s’inscrit dans la nouvelle logique « hôtelière » de la direction de la Polyclinique de l’Ormeau, selon les ASH. « Ils nous ont annoncé que nous serions désormais placées sous la responsabilité d’une gouvernante, et que les patients deviendraient des clients ».

Déjà, les conditions de travail des ASH s’aggravent au fil des semaines. « Si l’une d’entre nous part en congés ou se retrouve en arrêt de travail, on vient chercher une autre ASH dans un autre service pour prendre le relais, en plus de son travail habituel. Du coup, nous sommes obligées de travailler beaucoup plus vite, au risque de bâcler notre travail, faute de temps suffisant. Cela impacte aussi nos collègues aides-soignants, qui doivent parfois assurer à notre place les tâches d’hygiène, quand nous sommes envoyées dans un autre service ». Autre problème récurrent : celui des plannings. Par exemple, l’un des services, la cardiologie du 4ème étage à l’Ormeau Centre, a été fermé en août 2016. « Du coup, on nous change de service sans arrêt, il n’est jamais possible d’avoir le moindre planning fixe ». Un phénomène constaté par les ASH dans plusieurs autres services. La récente formation au « bio-nettoyage », demandée par la direction, a mobilisé les ASH à tour de rôle pendant 14 heures sur deux jours. « Alors que cette formation n’est pas à notre initiative, la direction nous a demandé de rattraper six heures. Celle qui ont refusé se sont vu enlever, suivant les cas, entre 1 heure et 6 heures sur leur bulletin de salaire ». Les ASH plus expérimentées dénoncent aussi une pratique de l’entreprise, qui consiste à leur demander de suppléer l’absence d’aides-soignants pendant une journée ou une nuit, « et cela, sans la moindre prime ! ». Celles qui posent des électrocardiogrammes sont parfois rappelées pendant leur jour de congé, si personne n’est disponible sur place pour assurer cette mission. Les ASH qui travaillent dans les unités de soins déambulatoires doivent parfois faire le ménage jusqu’à quatre fois par jour dans les mêmes chambres. Elles se sentent constamment sous pression, un sentiment partagé par la plupart de leurs collègues ASH des autres services. Enfin, le « déclassement » imposé par la direction, avec le passage du statut d’ASH à celui d’ESH, blesse profondément les salariées de la Polyclinique. L’une d’entre elles, qui travaille aux urgences depuis 7 ans avec une autre collègue ASH, a dû suivre pour cela 15 jours de formation et participer à un congrès. « Du jour au lendemain, on m’annonce que je ne suis plus associée à l’équipe de soignants ».

Devant cette situation, la grève devenait à leurs yeux la seule solution possible. Elles ont aussi rédigé une lettre pétition au directeur de la Polyclinique de l’Ormeau, dans laquelle elles évoquent « notre surprise, notre malaise et notre mal-être », face à l’annonce de leur changement de mission au sein de l’entreprise. « Nous sommes conscientes d’avoir été embauchées pour une spécificité : l’entretien des locaux. Cependant, après de nombreuses années, nous avons acquis, du fait de travailler auprès des malades et de leurs familles, une sensibilité, une expérience, des compétences professionnelles et humaines. Nous soutenons notre légitimité à faire partie intégrante des équipes soignantes. Vous avez, en une heure de temps, remis en question le sens que nous portons à notre engagement, par ce qui est pour nous du mépris et une dévalorisation ». Les ASH de la Polyclinique de l’Ormeau espèrent que leur combat pour la dignité sera compris par les patients, et par les pouvoirs publics. L’une d’entre elles résume ainsi le sentiment général de ses collègues : « mon métier, je l’exerce avec passion. Si j’avais voulu faire simplement du nettoyage de locaux, j’aurais travaillé dans une entreprise de nettoyage. Je suis entrée à la Polyclinique parce que je savais pouvoir ainsi contribuer à l’accompagnement et aux soins des personnes. Les patients, qui se confient à nous facilement, nous disent souvent : ‘vous avez été le rayon de soleil de ma journée’. Mais ce soleil, aujourd’hui, il est en train de disparaître … ».

Jean-François Courtille

21h30 : Laurence Charroy, responsable CGT à la polyclinique de l’Ormeau, a rendu compte dans la soirée de la réunion qui s’était tenue à la bourse du travail avec Myriel Porteous, sous-préfète d’Argelès-Gazost et le sous-délégué de l’ARS, lesquels ont pris acte des positions des salariés. Ils vont en aviser la préfète. De leur côté, aucune position n’a été prise.

Du côté des salariés, la grève est reconduite jusqu’à lundi où une marche silencieuse démarrera à 10h, entre le site de l’Ormeau Pyrénées et la préfecture. Les personnels grévistes invitent la population à se joindre à eux. Ils entendent faire remonter leur proposition, à savoir la fermeture administrative de la polyclinique.