Site d’informations en ligne, sur Tarbes et le Grand Tarbes

  Informations Lourdes et Grand Tarbes  Informations Lourdes et Pays de Lourdes  Informations Bagnères de Bigorre  Informations Argelès-Gazost Vallées des Gaves  Informations Pays de Lannemezan  Information Pays du Val Adour  Informations Hautes-Pyrénées     
         

Conseil Départemental des Hautes-Pyrénées : Séance Plénière 7 Décembre 2018

vendredi 7 décembre 2018 par Rédaction

Le discours du président Michel Pélieu

Mesdames et Messieurs, Chers collègues,

Notre session s’ouvre dans un contexte un peu particulier, sur fond de crise dure, profonde.

Cette crise c’est le symptôme d’une société en tension et en souffrance, c’est l’expression d’un désarroi profond, d’inquiétudes réelles et aussi d’un certain désenchantement.

Sur le fond, nous devons bien admettre que nous sommes aguerris à ces réalités, à ces difficultés, à ces luttes contre les inégalités sociales, territoriales, à ces interrogations sur l’avenir.

En tant que chef de file de l’action sociale, nous n’ignorons rien des situations douloureuses que vivent trop de nos concitoyens, et particulièrement les plus vulnérables dont nous avons la charge. Nous n’ignorons rien de cette désespérance sociale, de ces revendications pour une vie matériellement moins dure, pour une vie socialement plus riche.

A ces situations inacceptables, nous tentons à notre niveau d’apporter des solutions pour aider et accompagner les plus fragiles, à savoir les personnes âgées, les enfants, les personnes en situation de handicap ou de précarité.

  1. Nous le faisons d’abord avec nos moyens, et dans le cadre des missions qui nous sont confiées par l’Etat. A ce sujet, nous serons amenés au cours de cette session à évoquer la mise en oeuvre du Plan de lutte contre la pauvreté qui va nous être demandé par l’Etat dans les semaines ou les mois prochains.
  2. Mais nous n’en restons pas là, nous sortons aussi des cadres et tentons des innovations pour lutter contre toutes les situations douloureuses.

• C’est ce que nous faisons avec le schéma de développement social. Formidable projet, ambitieux, qui doit permettre de réinventer l’action sociale, pour aller au-delà du simple versement d’allocations, recréer de la cohésion sociale et permettre à chacun de trouver une place digne dans notre société.

• C’est ce que nous faisons aussi avec le dispositif Ha-Py Actif qui doit permettre de sortir plus rapidement les allocataires du RSA de la dépendance de l’assistance en leur fournissant un emploi.

La solidarité constitue le 1er poste budgétaire du Département. Entre l’Allocation pour l’Autonomie des Personnes Âgées, le RSA, le handicap, la famille, l’enfance, le logement, le Département consacre près de 168 millions d’euros à l’action sociale.

En tant que Département d’un territoire rural, nous n’ignorons rien non plus du sentiment d’abandon. Des écoles et des usines qui ferment, des services publics qui disparaissent. Petit à petit, le clivage se creuse entre les villes gagnantes de la mondialisation et les territoires ruraux qui la subissent. Ce n’est pas la 1ère fois qu’on dénonce ce phénomène. Ce n’est pas le fait de ce gouvernement. C’est le fait de cette culture de l’Etat qui pense le rural non pas comme un avenir possible mais comme un fardeau. Les territoires ruraux sont fragilisés parce qu’ils sont oubliés. Alors qu’il faudrait des moyens supplémentaires pour protéger cette France périphérique, on subit un appauvrissement supplémentaire de nos campagnes et de nos montagnes justifié par la nécessité de diminuer la dépense publique.

Dans ce domaine des inégalités territoriales, nous tentons aussi d’apporter des réponses, notamment :

- en luttant contre l’enclavement de notre territoire par nos actions dans le domaine des routes, des transports, de l’aéroport ;

- en développant l’attractivité de notre département par des politiques d’investissement, d’aménagement et d’équipement dynamique ;

- en fournissant un accès Très Haut Débit à tous les habitants des Hautes-Pyrénées.

Mais, à ces revendications de justice sociale, de justice territoriale que nous n’ignorons pas et que nous comprenons, s’ajoute quelque chose de plus grave, sans doute de plus préoccupant.

C’est ce vent mauvais de la colère et de la violence,

Ce vent mauvais qui prend en charge, sans filtre, toutes les frustrations accumulées (fondées ou infondées) et toutes les rages de l’opinion,

Ce vent mauvais qui produit une surenchère de revendications jusqu’à l’absurde,

Ce vent mauvais qui entraîne des débordements inacceptables,

Ce vent mauvais qui ne pourra pas produire des réponses.

Malheureusement il n’est pas totalement nouveau non plus.

S’il me préoccupe, il ne me surprend pas. Il s’est nourri d’une accumulation de choses depuis plusieurs années. Au delà même des questions prégnantes de justice sociale, fiscale, territoriale.

Mon ressenti c’est que ce vent de colère et de violence que nous voyons aujourd’hui, s’inscrit aussi dans la droite ligne de la dégradation du climat social à laquelle nous assistons depuis plusieurs années.

La culture de l’affrontement permanent, la défiance généralisée (envers les élus, les Institutions, son voisin et l’autre en général), le mépris, l’agressivité comme mode d’expression. Et la classe politique n’est pas en reste sur tous ces sujets : les discours politiques vindicatifs, le dégagisme, le vieux monde, le # (hashtag) balance ton maire, etc. etc.

Mais, j’y vois aussi un lien avec la fragilisation de l’organisation institutionnelle de la France.

Une fragilisation due à la remise en cause et au court-circuitage des corps intermédiaires bien sûr.

Mais une fragilisation qui est aussi issue de la Loi NOTRe qui a déstabilisé et déshumanisé l’organisation territoriale de la France.

La loi NOTRe a affaibli les communes, alors qu’elles sont le socle évident de la République et le repère incontournable des citoyens.

Elle a créé des intercommunalités et des régions, toujours plus grosses, en traçant des traits sur des cartes, sans tenir compte de la géographie des peuplements, sans tenir compte des hommes et des femmes qui vivent, entreprennent et font vivre leur territoire.

Dans une période de grande fébrilité et de peur face à un avenir incertain, la loi NOTRe est venue fragiliser la structuration de la France et bouleverser les repères identitaires des Français. Sans compter qu’elle a considérablement handicapé l’action de ces collectivités et n’a même pas permis de faire baisser la dépense publique.

Bref, on récolte aujourd’hui ce qui a été semé collectivement pendant des années.

Peut être que enfin, on prendra conscience qu’il faut construire une autre société, une société plus attentive aux autres, une société plus conviviale et bienveillante, une société plus douce à vivre.

Pour cela il faudra transformer la violence et la colère en énergie créative et positive pour trouver des remèdes.

Ce nouveau modèle de société ne se fera pas non plus sans les collectivités locales, sans la décentralisation. C’est dans les territoires de proximité que l’on peut répondre aux besoins singuliers des populations et adapter au mieux l’offre de service aux besoins des populations.

Ce qui se déroule aujourd’hui ne fait que confirmer qu’il est plus que jamais nécessaire de restaurer et renforcer les capacités d’action des collectivités pour la qualité de vie, l’équilibre territorial et social.

Cela passera par une meilleure compensation des charges transférées pour ne pas faire peser sur l’impôt local des dépenses qui relèvent de la solidarité nationale (telles que le RSA, l’APA...).

Cela passera également par une réforme de la fiscalité locale qui permettra tout à la fois, de pérenniser la décentralisation, de favoriser la responsabilisation de la gestion publique, et peut-être aussi de lutter contre le ras-le-bol fiscal qui s’exprime fortement dans ce mouvement. Il faut des impôts locaux justes, décidés par les élus locaux et acquittés par les contribuables locaux au regard des services rendus par la collectivité. Le citoyen contribuable voit très concrètement l’usage qui est fait de ses impôts locaux : il constate que la région rénove des lycées, que le département entretient les routes, que les communes construisent des crèches, autant de contreparties qui rendent l’impôt plus acceptable.

Hervé Morin, Dominique Bussereau et François Baroin, respectivement Présidents des Régions, Départements et Maires de France, ont lancé il y a quelques semaines, à Marseille, un appel commun pour relancer la décentralisation. Ils ont renouvelé cet appel ce début de semaine. Je pense aussi que c’est dans un Acte III de la décentralisation ambitieux qu’on pourra répondre du mieux possible aux besoins des territoires et des habitants et reconstruire la cohésion sociale.

Ce propos introductif était sans doute un peu long, le mouvement est d’ordre national mais il nous touche très directement et interpelle notre ordre du jour à plusieurs niveaux. Je vous propose donc de passer à son examen immédiatement.

Je vous remercie.

Michel PÉLIEU,

Président du Département des Hautes-Pyrénées