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Robert Guédiguian à Tarbes et à Séméac le 1er juin pour évoquer le lien entre le peuple et la culture

vendredi 26 mai 2017 par Rédaction

Le réalisateur de « Marius et Jeannette » et de « L’armée du crime » est invité jeudi prochain par l’équipe du Ciné des CE et des COS des collectivités territoriales. Avec sa compagne, la comédienne Ariane Ascaride, Robert Guédiguian interviendra d’abord lors d’une conférence intitulée « Culture et population, quelle rencontre ? » jeudi 1er juin à 18h, à la Bourse du Travail de Tarbes. Le réalisateur et la comédienne participeront ensuite au débat qui suivra la projection du film « Une histoire de fou », le même jeudi, à 20h30, au Centre Albert Camus de Séméac. Ce vendredi 26 mai 2017, à 20h, le film de Robert Guédiguian consacré à Missak Manouchian et aux FTP MOI, « L’armée du crime », sera aussi projeté au CAC de Séméac. Cette soirée est organisée par l’ANACR 65, la veille de la Journée nationale de la Résistance. La séance sera suivie par un débat avec l’historien Claude Laharie, sur le thème de la participation des étrangers à la Résistance en France. Robert Guédiguian a accepté de répondre à une interview téléphonique, avant son voyage dans les Hautes-Pyrénées.

Votre film « L’armée du crime » a été choisi par l’association ANACR 65 pour être projeté ce vendredi à Séméac, dans le cadre d’une soirée consacrée à la place des étrangers dans la Résistance en France. Qu’est-ce qui vous a motivé pour raconter l’histoire de Missak Manouchian et des Francs-Tireurs Partisans « Main d’œuvre Immigrée » (FTP-MOI), magnifiée par le poème d’Aragon et la chanson de Léo Ferré ?

C’est d’abord une histoire qui a contribué à ma formation. J’ai entendu pendant toute mon enfance les récits de leurs actions d’éclat au service de la Résistance. Ils étaient jeunes, beaux, généreux. Plusieurs d’entre eux étaient des poètes, des personnes imprégnées de culture. Ils m’ont énormément marqué. Ces étrangers avaient fait le choix, au péril de leur vie, de s’engager dans la Résistance, de se battre pour la France. L’idéal qu’ils défendaient, ce n’était pas une France nationaliste, repliée sur elle-même. Ils luttaient pour la France de la Révolution de 1789, cette France profondément habitée par la dimension universelle de l’être humain.

Jeudi 1er juin, à Séméac, votre film « Une histoire de fou » sera diffusé à son tour, à l’initiative du Ciné des CE et des COS des Collectivités territoriales. C’est une évocation de la lutte armée des jeunes Arméniens pour leur liberté et pour la reconnaissance du génocide qui a frappé leur peuple il y’a un siècle. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ce type de lutte, où la violence peut parfois toucher des victimes innocentes ?

Dans l’histoire de l’humanité, les luttes pour la liberté et l’émancipation des peuples ont presque toujours été des luttes armées. Il existe peu de contre-exemples. Le travail des historiens consiste à discerner dans quelle mesure ces luttes ont été légitimes ou non. Quand un peuple se trouve confronté à une situation d’oppression exceptionnelle, il arrive que la seule solution soit celle de prendre les armes. C’est ce que nous montre l’histoire de la Résistance en France. Cela a aussi été, selon moi, le cas de la lutte des Arméniens face à l’Etat turc au cours du XXème siècle. Je montre cela aussi bien dans « L’armée du crime » que dans « Une histoire de fou ». J’évoque dans ces films les cas de conscience qui se posent aux personnes engagées dans ces combats armés. Tirer sur un ennemi précis, ce n’est pas la même chose que de commettre un attentat en prenant le risque de tuer ou de blesser une personne qui n’a rien à voir avec la lutte en question. Pour ma part, je condamne de manière absolue tous les attentats terroristes qui peuvent occasionner des victimes innocentes.

Vous allez participer, avec votre compagne, la comédienne Ariane Ascaride, à un débat, jeudi prochain à la Bourse du Travail de Tarbes, sur le thème : « Culture et population, quelle rencontre ? ». De quelle population parlez-vous, et en quoi ce rapport avec la culture vous semble-t-il nécessaire ?

Quand je parle de la population, je n’évoque pas les personnes qui ont un rapport régulier et facile avec le monde de la culture. Je pense plutôt aux personnes des milieux socialement défavorisés, les « pauvres gens » dont parlait Victor Hugo. Nous avons longtemps pensé, en Occident, que la culture était un instrument d’émancipation des peuples. La Première Internationale est née de là. Plus tard, le Conseil National de la Résistance a beaucoup insisté sur cette dimension. Après la Seconde guerre mondiale, des personnalités aussi diverses que Jean Vilar ou André Malraux ont agi pour faciliter l’accès de tous à la culture. Les Maisons des Jeunes et de la Culture ont joué un rôle essentiel pour la formation des consciences sociales et citoyennes. A travers la culture, chaque personne peut mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons.

Avez-vous des coups de cœur ou des coups de gueule sur l’actualité ?

En ce moment, c’est plutôt un coup de cœur et un espoir. Le coup de cœur concerne le score excellent réalisé par les Insoumis à l’élection présidentielle. Nous n’avions plus vu cela depuis le début des années 1970, quand le PCF réunissait près de 20% des voix dans les scrutins. Cette sensibilité politique de gauche n’a pas disparu en France, c’est une bonne nouvelle. Mon espoir repose dans une recomposition de la gauche, avec les Insoumis, le PCF, les socialistes hamoniens, les écologistes, les compagnons de Besançenot … La renaissance de l’Union de la gauche ou du Front de gauche, en quelque sorte, mais avec les forces politiques nouvelles.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir metteur en scène de cinéma ?

J’aurais pu être enseignant ou faire du théâtre. Ma rencontre avec Ariane Ascaride a été déterminante. Epouser une comédienne à l’âge de 20 ans, cela marque une trajectoire de vie. C’est d’ailleurs grâce à Ariane que j’ai rencontré la personne qui m’a demandé de lui écrire un scénario. Puis, de fil en aiguille, je suis devenu réalisateur. Ce qui compte pour moi, c’est d’intervenir dans le monde où je vis. L’histoire de mes parents a pesé aussi sur mon engagement de cinéaste. Ils se sont battus pour me permettre d’accéder au savoir. Mon père était ouvrier sur les quais, il a eu 30 accidents du travail pendant sa carrière. Ma mère était femme de ménage. D’une certaine façon, en tournant des films, je suis leur porte-parole. J’exerce en quelque sorte le métier d’écrivain public : j’écris pour les gens qui ne peuvent pas écrire. En ce qui concerne les films historiques, comme « L’armée du crime » ou « Une histoire de fou », j’avais envie de faire œuvre de pédagogie, même si le mot est un peu galvaudé aujourd’hui. Pour moi, un bon film est un film où l’on apprend des choses, sur les relations humaines, sur l’amour ou sur le passé. Raconter des histoires qui ont été un peu oubliées, comme celles du groupe Manouchian ou des militants arméniens, cela me semble nécessaire. Tout le monde n’a pas accès à Internet et aux réseaux sociaux, le cinéma reste à mes yeux un vecteur important de pédagogie.

Sur quels projets travaillez-vous en ce moment ?

Je viens d’achever le tournage d’un film intitulé « La villa », qui sortira en novembre 2017. La « Cerisaie » de Tchékhov m’a beaucoup inspiré pour réaliser ce film. Il aura pour décor une calanque de Marseille, en plein hiver. C’est une œuvre qui évoque le temps qui passe, et l’irruption d’un événement en lien avec l’actualité internationale. Ma compagne, Ariane Ascaride, vient de jouer dans la pièce de théâtre de Simon Abkarian, « L’envol des cygognes ». Elle va tourner en Italie avec un jeune metteur en scène transalpin cet été. Puis, à la rentrée, elle jouera le rôle de la mère arménienne du pilote automobile Alain Prost, dans un film consacré au seul champion du monde français de Formule 1. Nous sommes heureux de pouvoir nous rendre ensemble à Tarbes et à Séméac la semaine prochaine, pour rencontrer le public des Hautes-Pyrénées.

Propos recueillis par Jean-François Courtille