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Un festival Tarbes en Philo « espastaroufflant »

jeudi 27 avril 2017 par Rédaction

La deuxième édition du festival organisé, samedi 22 avril 2017 à Tarbes, par l’association Reliance en Bigorre, a tenu ses promesses. La « philosophie » en action d’Adèle Van Reeth, combinée avec l’expérience de Roger-Pol Droit, a permis au public d’approfondir le thème proposé cette année : « identité(s), ce « nous » qui nous unit ». La prestation « espastaroufflante » de l’écrivain et Christian Laborde a apporté une note poétique et humoristique à ces travaux studieux. Les spectateurs ont pu s’exprimer lors des tables rondes au Théâtre des Nouveautés, puis dans le cadre des ateliers interactifs, où les enfants eux-mêmes ont exploré la philosophie. La musique a aussi eu sa place pendant cette journée, grâce au talent des jeunes musiciens du groupe Brancaï. Le festival est désormais bien installé dans le paysage bigourdan. Il connaîtra une troisième édition en avril 2018.

« Tarbes en Philo, c’est avant tout une affaire d’engagement dans la Cité, à l’aide de cet outil merveilleux : la philosophie ! ». Rose-Marie Chevallier, présidente de l’association Reliance en Bigorre, est consciente de proposer, avec les bénévoles de son équipe, un rendez-vous culturel en résonance avec l’actualité politique. Ce samedi 22 avril 2017, la veille du premier tour des Présidentielles, Rose-Marie a lancé la deuxième édition du festival « Tarbes en Philo », qui a de nouveau rassemblé plus de 150 personnes au Théâtre des Nouveautés. Le thème n’avait pas été choisi au hasard : « Identité(s), ce « nous » qui nous unit ». Une question qui traverse le débat public en France, et se trouve encore accentuée par le duel entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron au second tour du scrutin présidentiel. Alors, en quoi la philosophie peut-elle éclairer la réflexion des citoyens de notre pays ? « Philosopher, c’est se mettre à l’écoute de l’autre, pour comprendre son opinion sur les problèmes partagés par tous les citoyens », répond Rose-Marie Chevallier, dans son discours introductif au festival. « Notre association utilise le terme de « reliance », défini ainsi par Edgar Morin : « le partage des solitudes et l’échange des différences partagées ».

Après un mot d’accueil du maire de Tarbes, Gérard Trémège, le festival commence avec l’intervention de la jeune philosophe Adèle Van Reeth. Elle anime tous les jours une émission de radio sur France Culture, « Les chemins de la philosophie ». Au cours d’un exposé brillant, elle cite notamment l’écrivain Fernando Pessoa et le philosophe Jean-Jacques Rousseau. « Notre identité est toujours plurielle : nous ne sommes pas constitués d’un seul « moi ». Dès lors que l’être humain se définit comme un individu libre de choisir, autonome, la réflexion sur l’identité devient possible », souligne la jeune femme. « Il me semble que toute identité est une forme de mise en scène. La carte d’identité ne résume que notre existence civile. L’identité, c’est très exactement et très précisément ce qui reste quand on a tout expliqué ». Adèle Van Reeth évoque longuement le « Contrat social » de Rousseau, l’un des textes fondateurs de la philosophie dite « des Lumières ». « Avec la notion de contrat social et de peuple, chacun remet sa liberté à tous, et donc à personne, puisque ce « tous », c’est « nous ». Lors des élections présidentielles, dans le secret de l’isoloir, vous accomplissez un acte de liberté et un choix. Mais une fois cette décision prise, cela n’est plus à vous de décider pendant 5 ans ». Un paradoxe décrit par la philosophe comme « la tyrannie de la majorité », puisque 48% des électeurs peuvent ne pas se sentir représentés par le résultat du scrutin. « Mais un système plus représentatif de l’opinion de chaque citoyen, comme la « sociocratie », qui impliquerait un accord unanime, serait impossible à appliquer dans les faits. Il faudrait des années pour prendre une seule décision commune avec cette méthode ». Adèle Van Reeth souligne le caractère forcément « déceptif » d’une élection comme la Présidentielle. Ce qui ne remet nullement en cause la pertinence du vote et du système de la délégation des pouvoirs par les citoyens. « Le « nous » est unique et le « je » est pluriel. Bien entendu, plus une élection se situe dans un cadre de proximité, mieux les citoyens se sentent représentés ». Après l’intervention de la philosophe, un débat s’instaure avec le public, animé dans un esprit de bienveillance et d’humour par le philosophe Fernando Cuevas. De nombreuses questions sont posées par écrit à Adèle Van Reeth et à l’autre philosophe invité, le journaliste Roger-Pol Droit.

Puis, l’écrivain et poète Christian Laborde monte sur la scène, pour une « tchatcherie espataroufflante » sur le thème de l’identité. Originaire d’Aureilhan, dans les Hautes-Pyrénées, cet ami de Claude Nougaro est un magicien du verbe et un danseur-né. « Mon identité moqueuse est aussi une identité chorégraphique. A la question « qui suis-je », voilà ce que je réponds : « je suis un homme de parole. Et les temps que nous vivons ne sont pas les miens. Car les temps que nous vivons ne sont pas temps de parole. Contrairement à ce que pourrait nous faire croire la prolifération des hauts parleurs et des écouteurs. Les temps que nous vivons sont temps de bavardages permanents ». Christian Laborde évoque son enfance à Aureilhan, où les mots étaient « des mots français, espagnols, portugais, latins ou gascons ». Et il dénonce les nouveaux discours sur l’identité. « Dès que les murs se ferment, l’identité n’est plus qu’une assignation à résidence ». Il achève son éblouissante causerie théâtrale en citant « La Marseillaise » poétique de Claude Nougaro.

Journaliste au Monde, écrivain et philosophe, Roger-Pol Droit intervient à son tour au début de l’après-midi du festival. « Le fil direct qui traverse ces « nous » différents est l’idée que nous serions tous des « corps parlants », transformés par la parole, métamorphosés par le fait que nous parlons, en empathie les uns avec les autres », assure le philosophe. « Si l’on pense qu’il existe toujours un « nous » préalable, alors chaque « je » viens de là. Mais ce « nous » n’est jamais la somme de tous ces « je ». Un nouveau débat avec le public succède à son intervention. Des questions parfois insolites surgissent : « si nous entrons en relation avec les robots, quelle est l’identité des robots ? ». Après l’échange, les participants se répartissent entre trois ateliers thématiques. « Café philo » à l’Etal 36, avec Michel Tozzi ; « Ecole philo » au Pari, avec Jean-Charles Pettier ; « Entreprise-Philo », au Théâtre des Nouveautés, avec Aurélien Deville et Alexia Portères. Dans l’atelier animé par le philosophe Jean-Charles Pettier, spécialiste de la pédagogie, les enfants ont une place privilégiée. La séance débute avec la constitution de quatre petits groupes qui mêlent enfants et adultes, autour de questions comme : « est-ce qu’être fille, cela s’apprend ? Est-ce qu’être garçon, cela s’apprend ? ». Après des discussions animées, les participants se retrouvent « en assemblée » pour partager leurs opinions autour du thème : « filles et garçons, un même cosmos à éduquer ». Une fillette explique : « à la maison, on nous apprend des choses différentes. Si on est une fille, on va plutôt faire de la danse. Si on est un garçon, on va jouer au foot ». Un petit garçon voit les choses autrement : « il n’y a pas de différence entre nous. Mais on décide de faire les choses de manière différente. Rien ne nous empêche d’apprendre plutôt la danse que le foot, c’est une question de caractère ». Le regard des autres est pointé par la plupart des intervenants comme une variable qui pousse filles et garçons dans une direction ou dans une autre. La parole des enfants a autant de poids que celle des adultes dans ce débat, qui prouve que la philosophie n’est pas une question d’âge.

Le soir, Christian Laborde retrouve une partie du public à l’Unik pour un cocktail de clôture en poésie et en musique, avec le groupe Brancaï. Les participants au deuxième festival « Tarbes en Philo » auront sans doute en tête, pendant la campagne électorale, les paroles de la « Marseillaise » de Nougaro, réveillées samedi par le poète aureilhanais : « allons enfants de la patrie, le temps du tempo est venu. Par le rythme et l’harmonie, nous retrouverons le salut. Entendez-vous, belles compagnes, ce chant qui s’élève ici-bas. Enorme comme un cœur qui bat, comme la foi soulevant les montagnes. Aux larmes, citoyens pleurez, pleurez de joie. Et qu’un son pur unisse enfin nos voix ».

Jean-François Courtille

Diaporama