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Un film sur l’odyssée des demandeurs d’asile de Calais présenté jeudi soir au CAC de Séméac

jeudi 26 janvier 2017 par Rédaction

« Faraja », un film d’Isabelle Grenet, sera projeté ce jeudi 26 janvier 2017 à 20h30 au Centre Albert Camus de Séméac, à l’initiative du Réseau Education Sans Frontières et du Ciné des CE et des COS des collectivités territoriales. Rencontre avec la réalisatrice du film, qui a vécu pendant plusieurs mois dans la « jungle » de Calais, aux côtés des demandeurs d’asile.

Isabelle, comment est né votre projet de film sur la situation des demandeurs d’asile ?

Tout est parti de mon expérience sur le terrain. J’ai été frappée par le décalage entre l’image des demandeurs d’asile véhiculée par les médias, notamment la télévision, et la réalité des faits. Ayant vécu auprès des exilés, j’ai eu envie de raconter leur histoire d’une autre manière. Pour comprendre leur situation, j’ai choisi d’aller passer plusieurs mois auprès des demandeurs d’asile de la « Jungle de Calais », et de partager leur vie quotidienne. Auparavant, j’avais passé un an et demi avec les « Zadistes » de Sivens, ce qui m’avait appris à vivre dans un contexte matériel précaire. Mais quand je suis arrivée à Calais, j’ai été impressionnée par la dureté des conditions de vie des demandeurs d’asile. S’ils n’avaient pas bénéficié de la solidarité des bénévoles sur place, beaucoup d’entre eux seraient sans doute morts de froid ou de faim pendant l’hiver. Certes, l’Etat avait mis à leur disposition des containers pour le logement et quelques douches. Il a aussi servi 2500 repas par jour. Mais les containers pouvaient accueillir 1500 personnes, alors que la Jungle comptait entre 5000 et 10000 demandeurs d’asile les derniers mois ! Des associations comme « Les cuisines solidaires » ont permis de compléter le service des repas. L’engagement des bénévoles était vraiment admirable. 80% d’entre eux étaient britanniques !

Comment êtes-vous arrivée à Calais ?

J’avais quitté Nantes et je m’étais rendue à Paris, pour y vivre quelques temps dans un ancien lycée du XIXème arrondissement. Un lieu transformé en squat par des demandeurs d’asile. Sur place, j’ai sympathisé avec un Egyptien qui revenait de Calais. Il avait dû fuir la « Jungle » à l’issue d’une rixe entre les Kurdes et les Egyptiens. Mais il comptait y retourner, car son projet était de passer en Angleterre. Je lui ai proposé de l’emmener en voiture là-bas. Quand nous sommes arrivés, il m’a conduit auprès de sa communauté égyptienne. J’ai été accueillie à bras ouverts. Ils m’ont invitée à partager leur repas. Et ils m’ont proposé de rester dans leur secteur du bidonville. Ils ont réussi à me trouver une tente et des couettes. Ainsi a démarré un séjour de 11 mois à Calais, parmi les demandeurs d’asile !

Comment avez-vous tourné votre film ?

Le fait de vivre sur place a fait naître une grande confiance entre les demandeurs d’asile et moi. J’ai pris ma part dans l’activité des bénévoles à leur service. Les corvées de pommes de terre avec les cuisines solidaires. Le fait de transporter les personnes vers l’hôpital en cas de besoin, ou d’aller en chercher d’autres à la gare. De plus, mon matériel de tournage est tout simple : un appareil photo qui dispose d’une fonction « vidéo ». Rien à voir avec les dispositifs impressionnants des équipes de tournage des télévisions. J’ai demandé bien sûr l’autorisation aux demandeurs d’asile de les prendre en photo ou de les filmer. Certains ont refusé, d’autres ont accepté tout de suite, ou après un long délai. Jusqu’au dernier moment, j’ai été amenée à flouter certains visages à leur demande. Je me suis d’ailleurs engagée à ne pas produire de DVD du film et à ne pas le mettre en ligne sur Internet ou Facebook. J’ai réalisé deux versions du film. L’une plus pédagogique, destinée à tout public. C’est celle-là qui sera projetée jeudi soir au CAC de Séméac, à la demande de Jean-Louis Imbert, le coordinateur du Réseau Education Sans Frontières 65. L’autre plus « pointue », destinée à un public qui connaît déjà les problématiques du droit d’asile.

Pourquoi avez-vous fait le choix d’une production indépendante pour votre film ?

Compte tenu du sujet abordé, je n’avais pas envie de passer par le filtre d’une censure, de quelque nature que ce soit. Cela me permet de voir à l’écran ce que j’ai vraiment envie de partager avec le public. De plus, les projections sont accessibles à tous : chaque personne donne ce qu’elle veut. J’ai réalisé le montage du film en trois mois, avec l’aide d’une jeune étudiante en Mastère d’audiovisuel à Toulouse, Alexia Cardona. Les recettes me servent à amortir mes frais de production, à rémunérer Alexia, et aussi à soutenir « Pour plus tard », un collectif de jeunes que j’ai vu à l’œuvre dans la Jungle de Calais. Le calendrier de diffusion du film est bien rempli d’ici la fin du printemps 2017. Après la soirée de ce jeudi 26 janvier à Séméac, il sera projeté le 2 février à Rennes, le 3 février à Lille, le 11 février à Calais et le 24 février à Hénin-Beaumont. En mars, nous irons à Dunkerque et Arras. En avril, nous serons à Mulhouse, la ville dont est originaire le collectif « Pour plus tard ». A la fin du mois d’avril, « Fajara » sera projeté dans le cadre de « Bazar en Bazacle », à Toulouse. Enfin, le 18 mai, le film sera présenté lors des sixièmes rencontres des médias libres et du journalisme de résistance à Meymac, en Corrèze.

Quels sont vos projets ?

Je reviens d’un périple en Grèce et en Italie, à nouveau auprès des demandeurs d’asile. Mais je me suis fait confisquer mes rushes et mes photos par la police italienne, qui ne souhaitait pas que des personnes témoignent de la manière dont sont traités les migrants à la « frontière » entre l’Italie et la France ! J’envisage à présent un voyage en Afrique, au Mali, au Burkina-Faso et au Kenya. Il s’agira pour moi de rencontrer des paysans qui tentent d’implanter une agriculture durable, sans pesticides. J’ai rendez-vous avec un touareg de Tombouctou à ce sujet. J’aurais dû partir en février 2017, mais j’ai été sollicitée dans beaucoup d’endroits pour diffuser « Fajara ». Je me dois de continuer cette démarche avant mon voyage en Afrique.

Pourquoi avez-vous intitulé votre film « Fajara » ?

C’est un mot de la langue soudanaise qui exprime à la fois la joie et la révolte. A Calais, quand nous entendions crier « Fajara », nous savions que l’un des demandeurs d’asile avait réussi à traverser la Manche, pour accomplir son rêve.

Propos recueillis par Jean-François Courtille

« Fajara » au Centre Albert Camus de Séméac, face à la Mairie – jeudi 26 janvier 2017 à 20h30. Entrée libre, participation au chapeau. La soirée est organisée par le Réseau Education Sans Frontières et par le Ciné des CE et des COS des collectivités territoriales. Pour en savoir plus : Facebook – Fajara, Calais sur le chemin de l’espoir.