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Audience solennelle de rentrée au Tribunal de grande instance

jeudi 26 janvier 2017 par Rédaction
Diaporama

Ce mercredi, s’est tenue l’audience solennelle de rentrée au tribunal de grande instance de Tarbes sous la présidence de Manuel Delmas-Goyon en présence du procureur de la République Eric Serfass et d‘une assistance composée de nombreuses personnalités : le sous préfet de Bagnéres de Bigorre représentant Béatrice Lagarde, préfète des hautes Pyrénées, Gérard Trémège maire de Tarbes, de nombreux élus, des avocats, des représentants des collectivités territoriales, des institutions civiles et militaires.

Lors de cette audience solennelle, le président Manuel Delmas-Goyon a présenté Anne-Laure Patureau-Rigault, vice présidente, nouvellement arrivée.

« Après une première carrière d’avouée près la cour d’appel d’Agen à compter de 1998, elle intègre la magistrature en 2011 suite à un stage probatoire.

Elle fait ses débuts en juridiction comme juge placée auprès du premier président de la cour d’appel de Pau. L’une de ses délégations a d’ailleurs été effectuée pendant quelques mois au tribunal de grande instance de Tarbes en qualité de juge aux affaires familiales.

En septembre 2013, elle est affectée en qualité de juge chargée du service du tribunal d’instance de Pau, où elle exercé jusqu’à sa promotion comme vice-présidente au tribunal de grande instance de Tarbes il y a trois semaines.

Affectée au cabinet de juge aux affaires familiales laissé vacant par le départ de Mme Aparicio en septembre dernier. »

Son arrivée porte le nombre de postes de magistrats du siège vacant dans la juridiction à deux, en partie compensée par la délégation de M. Philippe Rigault, qui a été principalement affecté au tribunal pour enfants dans le cabinet laissé vacant par Mme Guiton-Pineau en septembre dernier.

Le discours de Manuel Delmas-Goyon, président du Tribunal de Grande Instance

Monsieur le premier président,
Monsieur le procureur général,
Monsieur le sous-préfet de Bagnères de Bigorre représentant Mme la préfète,
Monsieur le maire de Tarbes,
Madame la présidente de l’association des maires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants des services extérieurs de l’Etat, des collectivités territoriales, des institutions civiles et militaires,
Madame le Bâtonnier,
Mesdames et Messieurs les avocats,
Mesdames et Messieurs les représentants des professions judiciaires,
Mesdames et messieurs les représentants des associations,
Mesdames et messieurs les journalistes,
Mesdames et Messieurs,

Merci de votre présence qui marque votre intérêt pour l’institution judiciaire et permettez-moi, alors qu’il n’est pas encore trop tard pour le faire, de vous présenter en mon nom personnel mais aussi au nom des magistrats et fonctionnaires de justice qui m’entourent, tous mes vœux de bonne et heureuse année 2017.

Cette audience est l’occasion de vous présenter une magistrate nouvellement arrivée, Mme Anne-Laure RIGAULT, qui se trouve à ma droite au bout de cette estrade.

Monsieur le procureur, vous avez la parole pour vos réquisitions.

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Mme Anne-Laure RIGAULT, après une première carrière d’avouée près la cour d’appel d’Agen à compter de 1998, vous avez intégré la magistrature en 2011 suite à un stage probatoire.

Vous avez fait vos débuts en juridiction comme juge placée auprès du premier président de la cour d’appel de Pau. L’une de vos délégations a d’ailleurs été effectuée pendant quelques mois au tribunal de grande instance de Tarbes en qualité de juge aux affaires familiales, raison pour laquelle vous êtes déjà bien connue des partenaires de justice du ressort.

En septembre 2013, vous avez été affectée en qualité de juge chargée du service du tribunal d’instance de Pau, où vous avez exercé jusqu’à votre promotion comme vice-présidente au tribunal de grande instance de Tarbes il y a trois semaines.

Vous avez été affectée au cabinet de juge aux affaires familiales laissé vacant par le départ de Mme APARICIO en septembre dernier. Vous avez également accepté de bonne grâce d’assurer la présidence de la chambre des procédures collectives civiles.

Votre intégration dans la juridiction s’est faite on ne peut plus naturellement, facilitée il est vrai par votre cordialité et votre sens des relations humaines.

Votre arrivée porte le nombre de postes de magistrats du siège vacants dans la juridiction à deux, en partie compensé par la délégation de M. Philippe RIGAULT, qui a été principalement affecté au tribunal pour enfants dans le cabinet laissé vacant par Mme GUITON-PINEAU en septembre dernier. M. le premier président, je profite de l’occasion qui m’est donnée ici pour vous remercier pour votre soutien constant à la juridiction, alors même que vous vous apprêtez à quitter Pau pour la cour d’appel de Lyon.

Je souhaite également aujourd’hui remercier Mme Véronique BUISSON qui a assumé seule les deux cabinets de juge des enfants pendant plusieurs mois.

Enfin, l’occasion m’est donnée aujourd’hui de saluer Me Réjane CHAUMONT, bâtonnier sortant de l’ordre des avocats de Tarbes, et de la remercier pour son accueil dans le ressort il y a un peu plus d’un an ainsi que pour la qualité de nos relations pendant cette année écoulée. Mme le bâtonnier, j’ai été ravi de partager votre conception moderne de l’évolution de nos professions respectives et je pense que nous pouvons être fiers du travail que l’ordre des avocats et le tribunal ont accompli notamment sur la communication électronique en matière civile.

Mme le bâtonnier ROLFO, je tiens à vous féliciter pour votre élection en tant que nouveau bâtonnier de l’ordre des avocats de Tarbes. La qualité de notre première prise de contact m’a déjà persuadé de l’excellence de notre collaboration à venir.

L’article R.111-2 du code de l’organisation judiciaire nous impose de rendre compte de notre activité durant l’exercice écoulé. M. le procureur de la République, quelles sont vos réquisitions ?

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Je n’entrerai pas dans le détail des chiffres dont les grandes lignes figurent sur le livret qui vous a été remis. Leur présentation sous forme de diagrammes permet aisément de suivre les évolutions les plus significatives.

L’activité civile a été globalement stable par rapport à l’année précédente, sous réserve d’un léger tassement des affaires terminées au sein de la première chambre civile, à mettre cependant en rapport avec la diminution de la durée moyenne de traitement.

Je me contenterai de commenter certains domaines d’activité qui ne figurent pas sur la plaquette qui vous a été remise.

Un mot tout d’abord sur l’activité du tribunal d’instance, dont l’une des caractéristiques est un fort accroissement des dossiers en cours du cabinet du juge des tutelles, à hauteur de 3 718 contre 3 590 l’année précédente. Il s’agit du nombre de mesures ouvertes le plus important depuis sept ans et il est en augmentation constante depuis 2011. Le nombre de décisions rendues a augmenté en conséquence mais l’importance du nombre des dossiers à suivre devient difficile à gérer pour le juge des tutelles de la juridiction.

Par ailleurs, la loi de modernisation de la Justice du 21ème siècle, dite loi J21, prévoit que le contentieux social, réparti actuellement entre les tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS), les tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI) et les commissions départementales d’aide sociale (CDAS), va être fusionné et transféré aux tribunaux de grande instance.

La première étape de cette réforme consiste, pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018, en un objectif de réduction des stocks de contentieux des tribunaux des affaires de sécurité sociale pour atteindre moins d’un an d’activité à l’horizon du 1er janvier 2019.

Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tarbes se prépare activement à cette échéance. Les efforts engagés en termes de création d’audiences supplémentaires et d’amélioration de l’audiencement se sont déjà traduits par l’affectation en renfort du secrétariat de cette juridiction d’un agent contractuel travaillant à mi-temps.

Le renfort ainsi obtenu, qui permet la création de 8 audiences supplémentaires en 2017, devait permettre de rendre environ 600 jugements dans l’année, contre 341 pour l’année 2015, permettant de ramener le stock en dessous du seuil d’un an d’activité. Cependant, l’augmentation très importante du nombre de recours constatée au 31 décembre 2016, qui s’établit à 468 nouveaux dossiers contre 367 en 2015, soit plus de 100 nouveaux dossiers en plus d’une année sur l’autre, rendra plus difficile la réalisation de cet objectif. Le nombre d’affaires restant à juger s’établit à 799 au 31 décembre 2016.

*************

La réforme du contentieux social qui vient d’être évoquée n’est pas un phénomène isolé. L’inflation législative n’est pas seulement un thème d’allocution pour les audiences de rentrée solennelle. C’est une réalité qui fait souvent grincer les dents des magistrats et du greffe, contraints d’actualiser des connaissances et de modifier des pratiques à un rythme parfois difficilement compatible avec nos contraintes quotidiennes.

L’année 2016 n’a pas fait exception à la règle. Plusieurs textes importants sont en effet entrés en vigueur, dont les effets se feront sentir en cette année qui débute.

Pour citer quelques exemples, l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations est entrée en vigueur à partir du 1er octobre 2016 et vient modifier plusieurs articles fondamentaux du code civil dont certains n’avaient pas été changés depuis plus de 200 ans.

Loi dite « Justice du XXIème siècle » publiée au journal officiel du 19 novembre 2016 est venue apporter de nombreuses modifications importantes dans l’organisation judiciaire, je cite par exemple quelques mesures emblématiques :

- réforme du divorce par consentement mutuel : la convention de divorce est désormais directement déposée chez un notaire par les époux ayant chacun un avocat, et non plus soumise à l’homologation du juge,

- mise en place des Services d’Accueil Unique du Justiciable, qui permettra à terme de pouvoir effectuer ses démarches depuis n’importe quel tribunal du territoire, même s’il ne s’agit pas de la juridiction compétente,

- création d’un socle commun pour les actions de groupe, qui définit les règles procédurales applicables à tous les secteurs dans lesquels des actions de groupe sont déclinées : santé, discriminations, discriminations au travail, environnement, traitement des données personnelles numériques,

- regroupement du contentieux social à travers la fusion des tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et les tribunaux du contentieux de l’incapacité (TCI), qui a été évoquée tout à l’heure,

- une nouvelle procédure pour les plans de surendettement,

- suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs,

- création d’une fonction de Juge des Libertés et de la Détention statutaire,

- suppression de la juridiction de proximité et intégration des juges de proximité dans le statut des magistrats à titre temporaire.

Ce ne sont que quelques exemples parmi les nombreuses réformes qui ont vu le jour récemment.

Et pourtant…

Et pourtant, il se pourrait que ce ne soit rien à côté de ce qui pourra se passer dans les années à venir et que de véritables bouleversements de société soient sur le point de se produire.

En effet, parmi les grands changements annoncés, la justice dite « prédictive » fait beaucoup parler d’elle. Conséquence du développement de l’intelligence artificielle, la justice prédictive permet de réaliser des statistiques et des probabilités sur la solution à un problème juridique donné. Il s’agit en quelque sorte de tenter de prédire avec le moins d’incertitude possible ce que sera la réponse de la juridiction X quand elle est confrontée au cas Y.

Comment est-ce possible ? En exploitant ce que l’on appelle le Big Data.

Le terme Big Data (littéralement grosses données) sert à désigner le stockage d’un nombre considérable (et quasiment illimité) de données, que la puissance de calcul des ordinateurs permet de traiter dans un temps très court.

La justice prédictive fonctionne en croisant et retraitant l’ensemble des données légales et jurisprudentielles, en développant des nouvelles méthodes mathématiques fondées sur des algorithmes et en somme en utilisant le potentiel offert par l’intelligence artificielle.

Les avantages du Big Data sont indéniables. Comme l’a relevé le Conseil d’État dans un rapport de 2014, il renforce la capacité des individus à jouir de certains droits, comme la liberté d’expression ou la liberté d’entreprendre. Il permet de faire des progrès substantiels dans de nombreux domaines, que ce soit pour améliorer les politiques publiques, évaluer plus facilement des risques ou encore optimiser les performances des entreprises.

C’est ainsi qu’il peut contribuer à une efficacité accrue de la police, qui peut davantage prévenir la commission des infractions et qui dispose d’outils nouveaux pour en identifier les auteurs.

A ce titre, un exemple nous vient des Etats-Unis. Phoenix en Arizona est l’une des villes ayant le plus fort taux de criminalité aux États-Unis. Les autorités locales ont pris conscience que les patrouilles de police n’étaient pas utilisées à leur meilleur potentiel, dès lors que les policiers se trouvaient rarement présents sur les lieux de commission de délits et donc étaient inefficace à les prévenir. La ville a fait mettre au point un algorithme qui compile les données spatio-temporelles et la nature ainsi que la récurrence des infractions commises dans un lieu donné ce qui la rend capable d’identifier les zones d’une ville où la probabilité de délit est la plus élevée en fonction de l’heure de la journée. Les patrouilles de police ont été redéployées en conséquence et la délinquance, selon les autorités, a baissé de 17 %. C’est également le cas d’autres villes des États-Unis comme Los Angeles par exemple.

Le Big Data est donc un outil très puissant qui offre des services très appréciables et dont tout le potentiel n’est pas encore connu. L’heure n’est plus à se demander s’il faut l’interdire. Il est au cœur de la stratégie d’entreprises qui échappent assez largement au contrôle des Etats du fait de leur dimension mondiale et de leur extrême fluidité qui leur permet de s’adapter au mieux, en profitant des avantages de certaines législations pour en contourner d’autres. Les enjeux économiques sont considérables. Ces entreprises ont développé des modes de communication et des offres de produits et de services qui régissent désormais notre quotidien. La majorité des habitants des pays développés n’envisagent plus de s’en passer. Le développement des objets connectés, qui peuvent puiser dans les données numériques disponibles, confirme que notre monde évolue rapidement vers le « tout connecté ».

En matière judiciaire, l’avènement de la justice prédictive, en ce qu’elle permet à chaque citoyen de mieux appréhender l’issue prévisible d’une action en justice avant même qu’elle ne soit engagée, ouvre d’intéressantes perspectives pour les procédures de conciliation et de médiation et éclaire d’un jour nouveau les relations procédurales entre le juge et les parties.

Les outils de justice prédictive se développent et couvrent des domaines du droit de plus en plus variés.

En effet, aujourd’hui, start-up et éditeurs de documentation juridique s’engouffrent dans la brèche pour proposer aux professionnels du droit différents types de services :
- estimer le montant des dommages-intérêts, d’une pension, d’une indemnité ou de tout type de prestation à caractère monétaire pouvant être accordé par les juridictions dans certains domaines (bail, divorce, dommage corporel, prestation compensatoire, licenciement, trouble du voisinage…),
- faire des statistiques sur les chances de gagner une procédure contentieuse, une prévision sur le montant des indemnités qu’il est possible d’obtenir, et les éléments de fait ou de droit qui ont le plus de poids devant les juridictions,
- calculer le risque pour une entreprise d’être condamnée en cas de contentieux liés, par exemple, au licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que le montant de l’indemnité.

Il ne s’agit pas de se substituer à l’humain, et aux professionnels du droit en particulier, ni de faire dorénavant prendre les décisions de justice par des robots, mais plutôt d’aiguiller le professionnel du droit sur la direction à prendre, de lui permettre de mieux conseiller, quantifier ou anticiper les risques.

D’une manière générale, l’utilisation du Big Data présente un certain nombre de dangers, qui sont de plusieurs ordres.

L’opacité tout d’abord, dès lors que l’utilisateur n’a qu’exceptionnellement les connaissances nécessaires pour comprendre le langage de la programmation et que, en toute hypothèse, aucun accès ne lui est offert s’il souhaite exercer un contrôle.

Non seulement la manière dont les données numériques sont traitées n’est pas connue, mais l’utilisateur ne sait même pas les données qui sont utilisées, quand bien même elles lui sont personnelles.

Concernant les données recueillies de manière automatique par les machines, comme les objets connectés par exemple, elles sont le plus souvent ignorées des personnes concernées. Stockées, parfois revendues par des courtiers en données, elles peuvent être réutilisées hors du contexte initial dans lequel elles ont été recueillies.

Deuxième danger : l’uniformisation. En toute matière, si l’on se borne à travailler à partir de l’existant, l’on se condamne à l’immobilisme. Or, la grandeur de la jurisprudence, c’est d’avoir régulièrement su avancer et se renouveler en découvrant des solutions juridiques nouvelles. Les juristes connaissent bien l’histoire du bon juge Magnaud qui, siégeant au tribunal correctionnel de Château-Thierry à la fin du XIXème siècle, a créé "l’état de nécessité" pour relaxer une jeune femme qui avait volé une miche de pain pour nourrir son petit garçon de deux ans. Une telle décision, aucun algorithme n’aurait pu la prévoir !

A trop se reposer sur des données analysées, qui ne sont au mieux que des transcriptions « passives » des faits eux-mêmes, ignorant les causes des phénomènes au profit de la pure induction statistique, nous nous condamnons au conservatisme et la notion de responsabilité risque de disparaître ; en effet, si on se base sur une recommandation automatisée pour prendre une décision, alors on ne prend pas de décision, on ne fait qu’obéir à un calcul, oubliant ainsi que prendre une décision, c’est prendre un risque.

C’est dans le domaine judiciaire que l’on en trouve la meilleure illustration. Il est utile à cet égard d’en revenir à l’analyse fondamentale de l’acte de juger, qui ne se limite pas à l’application mécanique de la loi à une situation dûment analysée.

Le propre de l’acte de juger, c’est d’instaurer un tiers entre les parties en conflit. Ce tiers est le juge, auquel il incombe d’animer avec impartialité un débat d’où naîtra la possibilité d’une sentence, d’une parole de justice, dont la finalité courte est de mettre fin au conflit et dont la finalité longue est de restaurer la paix sociale.

C’est dire que l’on ne saurait tenir pour jugement la solution suggérée par une justice prédictive qui, au vu des données factuelles d’un litige, indiquerait la décision prévisible en l’état des lois et de la jurisprudence, aussi exhaustive que puisse être cette analyse. Il manque le débat, qui permet d’analyser les causes de la situation décrite par le Big Data et qui permet la confrontation des points de vue en donnant à chacun le moyen d’exister et d’être entendu. Le jugement n’est lui-même légitime que s’il repose sur une motivation. Elle justifie la solution retenue en répondant aux argumentations présentées et en se livrant à un travail d’interprétation et d’analyse pour rechercher la solution juste, qui peut différer de la simple application de la jurisprudence constatée.

Il y a là une exigence fondamentale qui ne saurait être abandonnée, même si l’on constate que la justice prédictive est en mesure de prévoir dans la très grande majorité des cas la décision judiciaire. C’est l’essence même de la justice qui est en jeu.

La justice prédictive est en revanche utile comme aide à la décision. Pour le juge, en ce qu’elle lui permet de mieux connaître l’état de la jurisprudence applicable au litige. Elle est surtout utile aux parties qui, avant même qu’un procès ne soit engagé, peuvent connaître la manière dont la justice traite habituellement leur cas. Le principe de réalité qui leur est ainsi opposé peut les inciter à rechercher des solutions transactionnelles ou à s’engager, en toute connaissance de cause, dans un processus de médiation, favorable à une pacification et donc à un apaisement durable du conflit. Elle est enfin utile au procès lui-même puisque, si une analyse prédictive a été faite avant le procès, ses conclusions peuvent fournir l’élément de départ sur lequel s’articule l’argumentation des parties, ce qui est de nature à favoriser l’accélération et la cohérence de la mise en état du procès.

Troisième danger de l’utilisation du Big Data : les menaces sur la solidarité. Comme le relève la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, une nouveauté introduite par le Big Data, c’est la « facilité à changer d’échelle et de passer du Big Data au « Micro Data » que représente l’individu. Alors que les statisticiens avaient pour habitude d’agréger les données et de traiter les agrégats, il est désormais possible de « zoomer » au sein de ces données pour s’approcher de l’individu. Le profilage qui en résulte permet une appréhension très fine des personnes que cherchent à cibler banquiers, assureurs, organismes de sécurité sociale et autres organismes publics ou privés prestataires de services. Lorsqu’ils cherchaient à connaître l’importance d’un risque, ils ne disposaient jusqu’à présent que de données sommaires (âge, sexe, profession) et ils classaient donc la population en grandes catégories. C’est la solidarité nationale qui permettait d’équilibrer la gestion du risque entre les individus relevant de chacune de ces catégories, sauf à introduire quelques correctifs en cas d’événement objectivement constaté, tel le bonus-malus attribué aux conducteurs automobiles en fonction de leurs antécédents qui indiquent leur propension à provoquer des sinistres.

Les données personnelles rendues disponibles grâce au Big Data comportent de plus en plus de données relatives au mode, à l’hygiène et aux choix de vie, ainsi qu’au comportement de chacun d’entre nous. Il devient donc possible aujourd’hui d’avoir une connaissance précise et individualisée du risque. Faut-il dès lors renoncer à la mutualisation, qui repose sur l’idée de solidarité, pour s’engager dans la personnalisation du risque ? La tentation est forte pour ceux qui doivent assurer le risque car cette personnalisation est la garantie d’une gestion optimisée et donc d’une meilleure rentabilité. Mais la tentation est forte également pour le bénéficiaire de l’assurance du risque, tenté d’y voir une solution juste. Pourquoi, moi qui ne bois pas, ne fume pas, qui mène une vie saine et qui m’abstiens de tout acte dangereux ou nuisible, devrais-je payer des cotisations élevées pour permettre la prise en charge de personnes qui représentent un fort risque, souvent dû, au moins pour partie, à une conduite déraisonnable ou à une absence d’efforts ? On voit ainsi apparaître les dangers d’une normalisation des comportements, induite par de simples calculs de rentabilité économique. Quant aux personnes présentant des risques devenant inassurables à un coût acceptable, elles seraient ainsi stigmatisées et il resterait à déterminer comment les faire bénéficier des protections dont elles ont besoin plus que tout autre.

On le voit, nous sommes face à un véritable choix de société, qui dépasse l’enjeu purement juridique.

Quatrième et dernier danger que j’évoquerai : les atteintes à la vie privée.

C’est le danger le plus fréquemment cité.

Le Big Data est notamment alimenté par les données générées par des personnes dans leurs relations sociales (notamment sur les réseaux sociaux) ou par leurs interactions aux objets, par exemple des données de localisation induites de l’utilisation d’un téléphone portable, mais également les données prélevées par les objets connectés. A ce titre, il contient des données personnelles qui portent sur tous les aspects de notre vie privée, non seulement les éléments de notre identité (sexe, âge, catégorie socio-professionnelle), mais aussi nos lieux et modes de vie, nos déplacements, nos fréquentations, nos habitudes, nos opinions, nos centres d’intérêt, notre état de santé, notre alimentation. C’est parfois notre vie la plus intime qui peut être connue, comme notre orientation sexuelle et notre passé amoureux. C’est leur accumulation qui confère aux données personnelles une valeur marchande. Elles intéressent donc des entreprises qui les achètent à des fins de publicité comportementale ou pour avoir une meilleure connaissance des populations sur lesquelles s’exerce leur activité. C’est cette valeur marchande qui explique que beaucoup de prestations de service non payantes nous soient proposées. Tout le monde connaît le célèbre adage « si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit ». Il n’y a donc là nul altruisme mais l’application d’une logique de marché. Le recueil de très nombreuses données statistiques, rendu possible par la gratuité, est en effet une condition nécessaire de la nouvelle gouvernance économique, fondée sur une analyse très fine des éléments d’appréciation dont dépend la décision d’opérer des investissements dont l’importance croissante en vient à menacer la survie même de l’entreprise en cas d’erreur de stratégie. Cette contrainte explique le recours systématique à la prédiction effectuée à l’aide d’algorithmes, qu’elle porte sur l’évolution des goûts du consommateur, ou sur la prévention et l’appréciation des risques.

Le danger qui résulte, pour la protection de la vie privée, de cette cession des données personnelles est majeur, dès lors qu’elles sont ainsi utilisées hors du contexte dans lequel elles ont été fournies et que l’on s’accorde aujourd’hui à reconnaître que leur croisement donne une description suffisamment précise de la personne pour qu’il soit possible de l’identifier à coup sûr, même si les données initiales ont été anonymisées.

Certes, le plus souvent, c’est la personne concernée elle-même qui fournit les données personnelles susceptibles de porter atteinte à sa vie privée. Mais le refus de les fournir emporte le plus souvent renonciation au service qui est offert et ce qui a été dit plus haut de l’opacité du langage et des relations entre les opérateurs convainc rapidement l’utilisateur de la vanité de toute résistance. L’emprise croissante que les services en ligne exercent sur notre mode de vie fait que le prix à payer est de plus en plus élevé pour celui qui veut éviter d’y recourir. L’utilisation des réseaux sociaux est devenue, par ailleurs, pour nombre de nos contemporains, une composante essentielle de leurs relations sociales et un moyen privilégié d’information. Il ne suffit donc pas de préconiser une sensibilisation des citoyens aux impératifs de la protection de leur vie privée pour conjurer le danger.

Je terminerai en évoquant un texte important, la loi du 7 octobre 2016 dite « pour une République numérique » qui a créé un article L.111-13 au code de l’organisation judiciaire, lequel impose de mettre à la disposition du public, à titre gratuit, les décisions rendues par les juridictions judiciaires, sous réserve d’anonymisation.

Il est satisfaisant que le peuple français, au nom de qui la justice est rendue, ait un accès direct aux décisions de justice. Cependant, n’oublions pas que la connaissance de toutes les décisions de justice rend également possible la connaissance de toutes les décisions rendues par tel ou tel juge. En effet, l’anonymisation des décisions de justice ne concerne pas le juge qui les rend. Le profilage du juge en fonction des décisions qu’il a rendues devient donc théoriquement possible.

Monsieur le procureur de la République, avez-vous d’autres réquisitions ?

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Activité pénale en baisse, sanctions pénales en hausse

Le procureur de la république, Eric Serfass a ensuite pris la parole, au cours de son réquisitoire il a fait le bilan de 2016.

Le discours d’Eric Serfass, procureur de la République

Accueil Anne-Laure PATUREAU RIGAULT
Nous sommes heureux d’accueillir une nouvelle vice-présidente,
d’une part que le poste soit pourvu ... les sous-effectifs au sein de la magistrature étant tels ...
et surtout aussi expérience diversifiée comme juge placée puis juge d’instance.
Je requiers qu’il vous plaise confirmer son installation comme vice-présidente au TGI de Tarbes.

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Mesdames et messieurs les élus et les représentants des autorités judiciaires, administratives et militaires, au nom du parquet de Tarbes, je vous remercie pour votre présence aujourd’hui.

Monsieur le procureur général, vous avez pris vos fonctions au milieu de l’année 2016 et vous assistez donc pour la première fois à la rentrée solennelle de notre juridiction. Sachez que nous apprécions particulièrement le rôle de soutien et de coordination que votre parquet général apporte aux parquets du ressort de votre cours et, notamment à Tarbes, la délégation d’un magistrat placé, Mme GOYARD, qui suppléé la vacance d’un poste de substitut depuis le mois de septembre 2016. Comme avocate générale au procès d’assises qui s’est terminé avant hier, nulle doute que cette première forte expérience restera longtemps dans sa mémoire de son passage en Bigorre, que nous souhaitons encore durable.

Madame MEUNIER GARNER, vice-procureur installée également au mois de septembre, a rejoint avec bonheur, c’est inévitable lorsqu’on est au parquet, notre équipe.

Monsieur le premier président, vous savourez vos derniers instants sur notre territoire de Gascogne avant d’émigrer vers l’orient lyonnais. Vous savez tout le plaisir que j’ai eu de travailler sous votre juridiction, notamment alors que j’exerçais comme juge à Pau. Nous partageons la passion pour la montagne et vous savez qu’en raison de mon attachement sûrement excessif à mes chères Pyrénées, je m’offusquerai presque de ce que vous les boudiez au profit des massifs alpins dont vous vous rapprochez.
Monsieur le sous-préfet de Bagnères de Bigorre, en personne et représentant madame la préfète qui n’a pu se libérer d’une convocation à une réunion régionale, la collaboration entre autorités judiciaire et administrative est particulièrement satisfaisante sur notre département ; le travail commun, remarquablement intense depuis 18 mois en raison de la menace terroriste, est menée avec un haut degré de confiance réciproque.

Monsieur le maire de Tarbes, madame la présidente de l’association des maires, vous êtes les élus de la République, votre présence est vitale car elle est le témoin de l’importance de la justice judiciaire dans la vie démocratique, dont votre élection au suffrage universel procède également. Vous êtes des élus de terrain et avez le souci quotidien de la qualité de vie de nos concitoyens. On le sait trop, cette qualité de vie passe aussi par la sécurité et la présence de la justice au cœur de nos cités.
Monsieur le directeur interrégional de la police judiciaire, jamais vous ne manquez une audience solennelle de Tarbes, d’abord parce que les liens entre justice et police judiciaire sont évidents et génétiquement indissociables, mais aussi parce que les Hautes-Pyrénées sont chères à votre cœur. C’est grâce à vos services que parquet et juge d’instruction peuvent engager des poursuites contre des auteurs d’infractions particulièrement graves, notamment criminelles, dévastatrices, par exemple en matière de trafic de stupéfiants et complexes, notamment dans le domaine financier.
Si au cours de l’année 2016 nous n’avons pas eu d’affaire criminelle retentissante, vos enquêteurs ont menés de forts belles investigations et arrestations en matière de stupéfiants et vos enquêteurs spécialisés mènent et ont clôturé de belles enquêtes économiques et financières, mettant en évidence que les pratiques de favoritisme et de corruption existent aussi sur notre ressort. Même à des niveaux financiers modérés, elles sont condamnables. Les responsables publics et privés doivent faire la part des choses entre d’une part les lourdeurs bureaucratiques qu’il faut réduire lorsqu’elles ankylosent l’activité économique et administrative, et d’autre part les obligations de neutralité, d’objectivité et d’impartialité, bref, d’égalité, inhérentes aux conditions d’accès au marchés publics. La relance de l’activité économique privée passe effectivement en partie par les investissements publics, mais pas au prix du pourrissement du processus de décision, fatal à une vie républicaine saine.
Monsieur le commissaire divisionnaire, directeur départemental de la sécurité publique, colonel, chef du groupement départemental de gendarmerie, le travail de notre parquet avec vos équipes est permanent et quotidien. Vous connaissez mon attachement, certes parfois obsessionnel, à augmenter la qualité de notre travail commun au service de l’action publique et à pratiquer une procédure efficace, malgré sa complexité législative, et l’insuffisance de nos moyens respectifs, eu égard à l’idéal de justice que nous attendons tous.

Je sais trop combien grand est cet écart entre la justice que nous voulons et celle que nous préparons et rendons. Et il ne faut cesser d’alerter notre République sur l’indigence de certains effectifs et certains matériels, pour combattre la délinquance, celle de tous les jours, insupportable bien que banalisée, et celle exceptionnelle et émergente, sur laquelle je reviendrai dans quelques minutes.
Je tiens à faire mémoire ici, du drame de l’accident d’hélicoptère de la gendarmerie le 20 mai 2016. 4 gendarmes y sont morts, en service, 2 gendarmes du PGHM de Pierrefitte Nestalas, et le pilote, le copilote du DAG. Je pense à leur famille proche, à leurs collègues, particulièrement au PGHM de Pierrefitte et au DAG de Laloubère, à tous les secouristes en montagne. Ils équipaient préventivement à plus de 3.000m d’altitude la sortie d’une voie difficile au Vignemale, plus haut sommet de notre département, à la fois pour s’entraîner et surtout pour faciliter les secours à venir. Quand on dit mort au service, c’est d’abord, les concernant, au service des autres, dont leur métier était de sauver la vie.

Je pense aussi aux policiers qui ont été victimes de violences volontaires et, très, récemment, d’un accident de voiture grave alors qu’ils allaient procéder à une interpellation ou se portaient au secours d’une victime.

Je sais aussi l’incompréhension que suscite souvent l’incessante COM PLE XI FI CA TION (la phonétique exprime bien la tendance !) de la procédure pénale, par la reconnaissance notamment européenne, des droits pour protéger la liberté de l’individu. Je dirai deux choses. Fondamentalement, c’est heureux que nos nations démocratiques s’entendent sur la protection de la liberté individuelle. Comme citoyen français, citoyen européen, citoyen du monde, nous ne pouvons que souhaiter que l’état de droit progresse. Veillons, dans ce monde actuellement bousculé et tenté par les simplismes, à ne pas jeter au feu du raz le bol les acquis fondamentaux de la civilisation.
Mais, il y faut de la mesure et de la cohérence.

De la mesure, c’est-à-dire de la proportionnalité. La garantie des droits doit être égale pour chacun quelque soit le niveau de gravité de l’infraction reprochée, petits délits, grands crimes, car la garantie se rapporte à la personne et non pas aux faits. MAIS, la lourdeur et les précautions procédurales doivent être proportionnées aux intérêts en jeu. Le mécanisme utilisé pour un crime nié par un suspect et pour un banal délit reconnu par un auteur ne peut pas être durablement identique ou quasi identique, sauf à thromboser les services enquêteurs au détriment de la lutte contre la délinquance quotidienne.

La stratification de notre système procédural traditionnellement inquisitoire avec l’ensemble des garanties justement apportées par la nécessité du contradictoire, cumule les inconvénients plutôt qu’en ajoute les avantages. Si nous ne rêvons pas d’un grand soir procédural, nous attendons toutefois une réforme d’ensemble de la procédure pénale, réfléchie et éloignée des passions idéologiques épidermiques.
Monsieur le directeur de la MC de Lannemezan, M. le chef d’établissement de la MA de Tarbes, Mme la directrice du SPIP, je veux souligner ici le très bon esprit de travail existant entre mon parquet et la maison centrale de Lannemezan, la maison d’arrêt de Tarbes et le SPIP, chacun de ces services ayant un rôle fondamental pour
l’effectivité de la peine, quelle soit en milieu fermé, parfois pour fort longtemps, comme à Lannemezan, pour un temps court, comme à Tarbes, et en milieu ouvert, notamment pour les mises à l’épreuve, suivis socio-judiciaire ou exécution en dehors de la prison des peines pourtant fermes.

Madame la bâtonnière ROLFO, vous venez de succéder à Me CHAUMONT et je vous renouvelle mes félicitations pour votre élection. Je sais combien les propos que je viens de tenir sur la procédure sont importants pour les avocats et leur rôle essentiel dans le procès. Ce rôle vient d’être accru dans le sens de la responsabilisation pour ce qui est des divorces d’un commun accord. La justice acceptée est une justice simplifiée. Que la procédure pénale en prenne exemple pour les réformes futures. Il faut garantir la possibilité de l’accès au juge et le contradictoire. C’est fondamental. Mais lorsque la mesure de justice est acceptée, sous le contrôle de l’avocat, la procédure peut être allégée dès lors qu’en cas de contestation le citoyen à la faculté de saisir le juge.

Les excellentes relations, fondées sur la confiance et le respect, entre les avocats du barreau de Tarbes et les magistrats et greffiers, justifieraient que des initiatives soient prises dans ce sens si des évolutions législatives nous le permettaient.

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Quelques mots sur l’activité pénale de nos juridictions.

Le volume d’affaires poursuivables varie selon les années. En baisse de 3,5% par rapport à 2015 mais en hausse de 10% par rapport à 2014 et en baisse comparé à 2013. Le nombre d’affaires poursuivables est donc sur la durée assez stable. Le nombre de sanctions pénales (condamnations et compositions pénales) est en hausse par rapport à 2015, année déjà en augmentation comparée à 2014. Ces sanctions pénales inscrites au casier judiciaire sont différemment structurées. Le nombre de jugements du tribunal correctionnel et du tribunal de police pour les contraventions de 5ème classe baisse, sachant que les affaires qui leur sont soumises sont plus difficiles car plus contestées, alors que les ordonnances pénales et surtout les compositions pénales, qui sont de mesures de justice acceptée, augmentent fortement. Les CRPC, aussi fondées sur l’accord du prévenu, sont stables.

Les défèrements au parquet à l’issue de la garde à vue augmentent de 60% par rapport à 2015, soit par comparution immédiate soit par convocation par PV avec placement sous contrôle judiciaire. Vous voyez même que notre politique de défèrement est si large qu’elle vise également la presse, comme muselée dans le box des détenus. Mais je vous rassure, il s’agit d’une mesure de justice non seulement acceptée mais revendiquée par les intéressés.

Les ouvertures d’information par le parquet sont d’environ en moyenne 2 par mois, ce qui est très faible mais ne comprend pas les crimes, toutefois peu nombreux, dont la compétence relève du pôle d’instruction de Pau.

Le parquet oriente les affaires simples et reconnues vers des solutions de réponses pénales fondées sur l’accord du prévenu et réserve au tribunal correctionnel, outre les comparutions immédiates, les affaires contestées et les affaires complexes ou lourdes.

Fait qu’il convient de remarquer, le nombre de mineurs mis en cause décroît depuis 2014, et en 2016, très sensiblement par rapport à 2015, avec une baisse de 18%. Les causes peuvent être sociologiques, peuvent tenir à la répression qui a neutralisé certains individus, mais aussi, rappelons-le car c’est le principe posé par la loi, à la qualité de l’accompagnement éducatif décidé par les juges des enfants et exécuté par les services de la PJJ et associatifs. Cela peut aussi tenir à la rapidité de la réponse pénale, même modérée, en présence du ou des parents.

Enfin, les délais de convocation en justice pénale sont bons. Moins de 2 mois pour les délégués du procureur, notamment les compositions pénales et ordonnances pénales, 2 mois pour les CRPC et COPJ en JU et 4 à 5 mois pour le TC collégiale. La difficulté, pour les délais, demeure importante à l’instruction avec la difficulté de la clôture de l’information dans des délais raisonnables sur les affaires de complexité importante. La vacance du poste de juge d’instruction depuis le mois de septembre 2016 accroît encore sévèrement ces problèmes de délai.

En effet, les postes de magistrats ne sont pas tous pourvus qu’il s’agisse du siège ou du parquet et des magistrats délégués par la cour d’appel permettent partiellement ou totalement selon les cas et les périodes, de suppléer à ces difficultés. Rappelons qu’en raison des recrutements très insuffisants de magistrats eu égard aux départs en retraite, il existe en France environ 450 postes de magistrats non pourvus, sur un total de 7.000. La chancellerie est donc contrainte de répartir cette pénurie. Il faut souligner que les promotions de l’ENM sont ces toutes dernières années très élevées et nous nous en réjouissons. Il est absolument nécessaire qu’elles le demeurent de nombreuses années pour faire reculer la pénurie.

Mesdames et messieurs les greffiers et fonctionnaires, chers collègues magistrats, notre juridiction est objectivement en bon état de fonctionnement, grâce à votre travail, en quantité et de qualité, grâce à votre esprit d’équipe et de solidarité. Je vous en félicite et vous dit toute ma reconnaissance.

Nous devons également souligner que la justice cherche à diversifier ses compétences. Les délégués du procureur, par qui passent un nombre très important
de réponses pénales significatives, que je tiens à remercier particulièrement, nous avons pu recruter des assistantes de justice, juristes diplômés travaillant à mi-temps, en fin d’études universitaires, il est envisagé, en tout cas nous l’attendons, de reconnaître la fonction de greffier assistant de magistrat et la cour a pu recruter contractuel lement de véritables professionnels du droit comme juriste-assistant, à plein temps, qui apportent, en tout cas pour les parquets, un soutien appréciable.
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Cette diversification des compétences et des modes de travail en équipe est à mon sens essentiel pour que le monde judiciaire accompagne les évolutions de la société et du monde actuel. Car la justice pénale est appelée à connaître sur chaque territoire de nouveaux contentieux issus de la mondialisation. Et gardons-nous bien de penser que ce qui serait mondialisé ne concernerait pas chaque territoire. Deux exemples pour illustrer.

Par exemple, le terrorisme. Il n’est pas nouveau. Nous avons sur notre ressort, à la maison centrale de Lannemezan, des personnes détenues pour crime terroriste depuis des dizaines d’années. Mais la survenance d’une menace, peut-être durable, possible sur tous les territoires, est nouvelle.

Les infractions et la menace terroristes sont graves et nous font peur parce qu’au-delà de la mort des victimes, elles veulent contester notre façon de vivre libre en société. C’est son caractère odieux et moralement inacceptable qui fait l’extrême gravité du crime en la matière, plus que le nombre de morts en tant que tel. Même si cela peut paraître macabre comme comparaison, un mort sur la route n’est pas égal à un mort par un crime, surtout un crime terroriste. L’intention a une importance vitale en droit pénal. Cette intention vise à détruire notre identité individuelle et surtout collective.

Sur les Hautes-Pyrénées, vivent des personnes dont non seulement les idées ont des sympathies pour celles des criminels terroristes, mais au-delà des idées, qui ne sont pas à elles seules punissables en droit, ces personnes, hommes, femmes, majeurs, mineurs, expriment ces idées par des propos et ont posé des signes objectifs du funeste projet de passer à l’acte.

Comme il est évidemment hors de question d’attendre sans rien faire que ce projet survienne, les autorités publiques mettent en œuvre des contrôles, des surveillances, des mesures restrictives de libertés. Les autorités judiciaires et administratives ont l’impérieuse obligation d’y travailler ensemble, chacun selon ses prérogatives, en se coordonnant et en échangeant des informations. Sachez que dans les HP, cette coordination est satisfaisante.

Sur un sujet très différent, l’environnement, la prise de conscience du monde entier, avec le réchauffement de la terre très probablement causé par les activités humaines, avec la pollution de l’air des villes et axes routiers, avec la disparition très
accélérée des nombreux animaux, en nombre et en espèces, de nombreuses surfaces végétales, cette prise de conscience ne peut pas être enfermée dans des frontières nationales ni des limites départementales ou seulement urbaines. Les changements sont rapides et l’urgence se fait de plus en plus sentir afin d’éviter l’effet de cliquet, c’est-à-dire le risque de dépasser un point limite, un point de non retour, une dead-line. La prise en compte de la valeur de la sauvegarde de l’environnement dans le bloc de constitutionnalité pose l’importance du sujet dans l’échelle des valeurs juridiques.

En exagérant (peut-être ?) l’importance de cette révolution mentale, ce qui nous apparaît aujourd’hui comme normal et ne suscite presque aucune question : rouler avec un véhicule diesel, se chauffer au mazout, sera peut-être prohibé demain et considéré après-demain comme un crime contre l’humanité. Absurde ? A voir. Cette révolution des consciences touche aussi ce que nous avons trop négliger : par exemple la zone humide, la chevelure des petit cours d’eau, les oiseaux, les insectes pollinisateurs, etc

Cette protection de notre environnement naturel basique, l’air, l’eau, les animaux, les végétaux, non seulement pour notre santé humaine mais aussi, et le droit évolue assez rapidement sur ce sujet, par respect pour les êtres vivants autres qu’humains, nous concerne au quotidien. Le droit pénal y a sa part, notamment par la répression des comportements nuisibles, y compris lorsqu’ils s’agit de comportements individuellement peu graves mais dont la somme est proprement (si je puis dire) inacceptable. La justice pénale y tiendra son rôle de régulateur des comportements sociaux. Mais, comme dans d’autre matières, par exemple la sécurité routière, la répression n’y suffira pas. Il y faut, sur la durée, l’éducation et la pédagogie.
Terrorisme, environnement, deux sujets tellement différents, mais qui illustrent parfaitement la complexité et la sévérité de ces questions, les mutations du monde, la prise de conscience que ce qui se passe à 15.000 km d’ici nous concerne très concrètement.

La justice, civile et pénale, comme pour les autres questions de justice, y prend sa part de responsabilité, tout en étant parfaitement consciente que l’ensemble des citoyens, les politiques, les institutions publiques et privées et les médias, y ont aussi leur rôle à jouer.

Les sujets et procédures de justice sont complexes. Pour les prendre en compte, l’institution judiciaire ne peut pas être simpliste. Elle doit apprendre, écouter le débat, réfléchir, discerner, nuancer, avant de trancher. Cela s’appelle juger. Le juge ni le procureur, évidemment, n’a le monopole du juste. Mais il a, souvent bien seul, la charge de juger. Alors, personnel de justice, auxiliaires, mandataires, partenaires, continuons cette humble, certes laborieuse mais belle œuvre commune.

Sur cette conclusion, monsieur le président, qui vise à partager avec tous nos concitoyens et les personnes qui nous font l’honneur d’assister à notre audience, les passionnants débats sur la justice, j’exprime pour chacun des vœux de bonne année 2017, et requiert qu’il vous plaise constater que les formalités du code de l’organisation judiciaire ont été accomplies, déclarer close l’année judiciaire 2016 et confirmer l’ouverture de l’année judiciaire 2017 me donner acte de mes réquisitions et dire que le tout sera classé au rang des minutes.

N.L.