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Philippe Martinez, leader national de la CGT : « le conflit social de l’Ormeau est emblématique »

dimanche 11 décembre 2016 par Rédaction

Le secrétaire général de la CGT s’est rendu samedi midi à la clinique de l’Ormeau-Centre, pour apporter le soutien de sa confédération syndicale aux salariés de la Polyclinique, en grève depuis le 8 novembre 2016. Dans cette interview, il précise la nature du soutien de la CGT aux grévistes de l’Ormeau et il définit la nature emblématique de ce conflit social. Il évoque l’assignation au tribunal des salariés qui participent à des actions collectives, la place des femmes dans le monde du travail et l’enjeu de l’organisation interprofessionnelle au sein des mouvements sociaux.

Vous êtes venu apporter votre soutien aux salariés en grève à la Polyclinique de l’Ormeau. Quelle forme concrète a pris cet appui ?

Le soutien, nous l’avons apporté depuis le début. J’ai écrit à la Ministre du Travail il y’a quelques jours. Au-delà de ma présence sur ces lieux, j’apporte le soutien de toute la CGT. Il est important de donner une dimension nationale à un tel conflit. Ceux qui parlent de la grève, parfois, avec dédain, comme certains patrons et certains ministres, oublient que l’on n’est pas payé quand s’engage dans ce type d’action. Il est donc nécessaire d’apporter une aide matérielle et un soutien financier. Les salariés en grève ont des familles. Une collecte nationale a été lancée en faveur des grévistes de l’Ormeau. A la fin du mois, il leur faudra payer le loyer, la nourriture, l’éducation des enfants. Notre intervention directe passe donc à la fois par le soutien moral et le soutien financier.

Vous êtes amené à circuler partout en France. Qu’est-ce qui, dans ce conflit social, ici à Tarbes, vous paraît emblématique ?

C’est un problème que j’ai pu retrouver dans tous les centres hospitaliers que j’ai pu visiter, que ce soit dans les établissements publics ou les établissements privés. Ces professionnels de la santé développent une logique d’amour de son métier et de présence aux côtés des patients. Ils ont un côté humain très fort. Leur compétence n’est pas seulement technique, mais aussi psychologique. Ils se heurtent à une logique financière. Celle des directions d’entreprises, publiques ou privées, qui pensent « bénéfices », et parfois, « dividendes aux actionnaires ». C’est incompatible avec la qualité des soins et l’aide aux patients. Ce qui est emblématique ici, c’est que le mouvement social rejoint une vraie question nationale : est-ce que la santé est une dépense ou un investissement ? Nous disons que la santé est un investissement. Nous ne devons pas réduire les moyens pour ce qui aide à passer des moments difficiles.

17 salariés de l’Ormeau sont assignés ce mardi matin devant le tribunal de Tarbes. Cela évoque-t-il pour vous d’autres affaires comme celles d’Air France ou de Goodyear ?

C’est malheureusement ce qui se vit partout. Les salariés ont des revendications, demandent que l’on se mette autour de la table pour en discuter. La direction leur oppose le tribunal et l’assignation. On retrouve cela dans beaucoup de conflits en France. Face à des salariés qui défendaient leur entreprise et leurs emplois, d’autres directions ont répondu en les faisant passer pour les pires voyous et en les traînant devant les tribunaux. Quand on entend le patron du MEDEF traiter les syndicalistes de terroristes, cela va dans le même sens. Ici, à la Polyclinique de l’Ormeau, il n’y a ni voyous, ni terroristes.

Beaucoup de salariés en grève aujourd’hui à l’Ormeau sont des femmes. Avez-vous le sentiment que la place des femmes dans le monde professionnel est fragilisée aujourd’hui dans notre pays ?

C’est une réalité. Dans le monde du travail, ce sont les femmes qui souffrent le plus. Soit parce qu’elles sont cantonnées à du temps partiel. Soit parce qu’elles accomplissent des tâches qui ne sont pas en rapport avec leur qualification. Et il faut le dire, l’inégalité de salaires entre les hommes et les femmes se monte à 26% en moyenne. Aujourd’hui, on commence à entendre un discours qui assure que pour résoudre le chômage, les femmes pourraient rester à la maison. Mais elles sont dignes. Elles ont toute leur place dans leur travail. Et elles montrent qu’elles sont capables de se mobiliser. Non pour défendre leurs intérêts. Mais pour la santé des patients. C’est pour cela qu’elles méritent un grand coup de chapeau, notamment ici à l’Ormeau.

Quel est l’enjeu de l’action interprofessionnelle, très présente en marge du conflit social de la Polyclinique ?

La CGT a des revendications et des repères, notamment sur la santé. La défense d’une conception de la qualité des soins. Ces femmes en grève défendent une vision de la solidarité, qui crée des liens. Du coup, elles reçoivent le soutien d’autres professions. C’est ce qu’a démontré le succès du loto organisé hier soir à Séméac. Ou encore, la présence aux manifestations. Cela montre que nous avons besoin d’une société plus fraternelle, où l’on défend, non pas les valeurs de l’argent, mais les valeurs de l’humanité et de la dignité.

Que vous a dit la Ministre du Travail Myriam El Khomri ?

Le fait de la solliciter était une manière de donner une dimension nationale à ce conflit de l’Ormeau-Pyrénées. J’espère qu’elle porte toute son attention à cette situation, qui rejoint des problématiques sur la conception du dialogue social et de la négociation. Maintenant, nous attendons des actes. Nous souhaitons qu’elle impose à ce grand groupe privé, Médipôle Partenaires, qui n’a pas de problème financier, de reprendre le dialogue avec ses salariés, plutôt que de les traduire devant un tribunal !

Propos recueillis par Jean-François Courtille