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Plus de 1000 personnes dans les rues de Tarbes pour soutenir la lutte des salariés de l’Ormeau-Pyrénées

samedi 19 novembre 2016 par Rédaction

La manifestation de soutien aux grévistes de la Polyclinique de l’Ormeau-Pyrénées, ce samedi 19 novembre 2016 à Tarbes, a réuni plus de 1000 personnes, 1200 selon la CGT. Le soutien de la population bigourdane a réchauffé le cœur des salariés, qui entament leur douzième jour de grève, pour demander l’amélioration de leurs conditions de travail, au service des patients. Les salariés en grève placent désormais leur espoir dans la nouvelle rencontre de négociation, prévue lundi 21 novembre à 15h, en présence de la Préfète des Hautes-Pyrénées. Ils ont aussi demandé un soutien accru de la part des élus et de la population du département.

« Tarbais, si tu savais, on lutte pour ta santé ! ». Un appel largement entendu par le public samedi 19 novembre 2016, dans les rues de la capitale bigourdane. Plus de 1000 personnes, 1200 selon la CGT, ont défilé entre le site de l’Ormeau-Pyrénées et la place de Verdun, pour soutenir les salariés de la Polyclinique en grève depuis le 8 novembre. Après une journée harassante vendredi, consacrée à occuper les locaux de l’Agence Régionale de Santé, les grévistes ont aspiré une grande bouffée d’oxygène dans les rues de Tarbes, en mesurant la bienveillance de la population pour leur lutte sociale. « Elles ont bien raison de manifester aujourd’hui. Je comprends leur mouvement de révolte. Nos élus sont seulement préoccupés par leur réélection, mais que font-ils pour aider ces personnes », lance Rachid, un passant, qui se présente comme un « ancien du Régiment de Hussard Parachutistes ». Cat sort de la pharmacie. « Nous avons du mal à payer les médicaments, faute de remboursements. Se soigner devient hors de prix. Alors, je trouve que cette manifestation est tout à fait justifiée ». Dans le cortège, une dizaine de jeunes femmes défilent en brandissant des croix de bois. « Nous voulons symboliser ainsi les funérailles de la santé dans notre pays », explique Marie-Aline, aide-soignante. En passant devant l’Ormeau-Centre, le deuxième site de la Polyclinique, les manifestants scandent à tue-tête : « « Médipôle, t’es foutu, les salariés sont dans la rue ». Plus loin, au large de l’Agence Régionale de Santé, ils crient : « ARS, complice ». Dans la foule, plusieurs grévistes exhibent sur le dos de leurs blouses des affichettes au message explicité : « infirmière en colère » ; « aide-soignante en souffrance » ; « brancardiers révoltés ». Certains textes pointent la dégradation des conditions d’exercice du métier. « La clinique n’est pas l’usine » ; « Non à notre métier déshumanisé ». Ou dans un registre humoristique : « auxiliaire de puériculture en colère, alertez les bébés ! ». Parmi les manifestants, d’autres personnels soignants, travaillant pour le service public, sont présents : les agents de l’hôpital de Bagnères-de-Bigorre. Quelques élus ont aussi pris la peine de faire le déplacement. Jean Buron, maire de Bazet. Ou encore, Yolande Guinle, conseillère régionale d’Occitanie. « J’ai discuté cette semaine avec la présidente Carole Delga. Elle m’a informée qu’elle s’était saisie du dossier de la Polyclinique de l’Ormeau-Pyrénées, et notamment, de la demande d’enquête administrative. Elle est attentive au problème de la sécurité sanitaire des patients ». A la place de Verdun, les manifestants se rassemblent pour scander, pendant un long moment, « on lâche rien » et « tous ensemble ». Puis, Wilfrid Zaparoli, secrétaire départemental de la CGT-Santé, et Laurence Charroy, responsable de la CGT à la Polyclinique de l’Ormeau-Pyrénées, se hissent sur la camionnette pour prendre la parole.

« Ces femmes et ces hommes se battent depuis douze jours pour défendre une prise en charge de qualité des patients, de bonnes conditions de travail et une reconnaissance salariale », souligne Wilfrid Zaparoli. « Pour certaines, c’est leur première grève, mais elles sont fières d’entrer l’histoire sociale de notre département ». Une entame de discours saluée par des applaudissements et des vivats. Le responsable de la CGT Santé évoque ensuite le groupe Médipôle partenaires, propriétaire de la Polyclinique, « troisième groupe français d’hospitalisation privée à but lucratif, pesant 866 millions d’euros en chiffre d’affaire pour l’année 2015 ». Wilfrid Zaparoli dénonce la politique mise en place par ce groupe depuis qu’il a racheté la Polyclinique de l’Ormeau-Pyrénées. « Une hausse tarifaire – augmentation de la chambre particulière et instauration d’un forfait administratif. Pour les salariés, ce sont les conditions de travail qui se sont dégradées, avec un management agressif, une diminution du personnel et des réorganisations du travail. Cette politique de flexibilité et de rentabilité financière se traduit par l’achat de matériels de mauvaise qualité ». Le syndicaliste pointe ensuite la préoccupation majeure des salariés. « Comment alors parler de qualité et de sécurité de prise en charge des patients ? Même certains médecins font ce constat de dégradation et soutiennent cette lutte financièrement ».

Puis, Laurence Charroy, saluée par des « Laulau, vas-y » taquins, prend à son tour le micro. Avec émotion, la responsable de la CGT, seul syndicat présent au sein de la Polyclinique, se mue en porte-parole de tous les salariés. « Je voudrais vous parler de mes collègues qui sont en détresse. Celles et ceux qui sont dans la lutte. Mais aussi de celles et ceux qui ont hésité à dénoncer ce que nous vivons. Car témoigner de notre mal-être n’est pas facile. Nous nous épuisons, nous perdons notre éthique, nous perdons notre amour du métier ». Laurence Charroy résume ensuite ainsi l’élan de dignité qui guide le mouvement social au sein de la Polyclinique. « Nous avons décidé de dire « stop ! ». Nous avons décidé de dire que nous voulons nous occuper décemment des patients, sans nous mettre nous-mêmes en souffrance. Un soignant mal traité, dévalorisé, auquel on retire tout ce qui donne humainement du sens à son travail, ne peut être un bon soignant. A un moment, il craque. Et nous n’avons pas voulu attendre qu’il y’ait des drames pour nous révolter ! ». La déléguée syndicale relate aussi une parole prononcée par un responsable de la direction lors d’une réunion de négociation. « Ont-ils honte, eux, qui osent répondre à un membre de notre délégation, au SMIC depuis 8 ans, qu’elle a de la chance, car en France, au moins, il y’a déjà le SMIC. Et que si elle travaillait au Brésil, elle verrait bien combien elle serait payée ? ». Laurence Charroy conclut son intervention par cet appel au public des Hautes-Pyrénées : « quand nous nous battons pour nous, nous nous battons pour vous ». Une autre responsable syndicale prend la parole pour encourager les grévistes. Elle vient d’une clinique de Bizanos, dans le Béarn, qui appartient aussi au groupe Médipôle. « Nous avons une réunion de notre comité d’entreprise jeudi et nous ferons écho à votre mouvement de lutte », promet-elle, sous les acclamations de la foule.

Après les interventions, François Dousseau, secrétaire de l’UD CGT, invite le public à soutenir financièrement le mouvement des salariés de la Polyclinique, en achetant les gâteaux et crêpes préparés pour le pique-nique sur la place de Verdun. Il rappelle aussi l’étape suivante de la mobilisation sociale, avec la journée de lundi 21 novembre. Les salariés prévoient une assemblée générale dès le matin, et une rencontre de négociation sera organisée à 15h, dans un lieu encore inconnu, sous l’égide de la Préfète des Hautes-Pyrénées, Béatrice Lagarde. Sur la place de Verdun baignée de soleil, deux aides-soignantes, Isabelle et Mounia, échangent leurs impressions sur la manifestation. « C’est hyper important pour nous. Cela nous prouve que notre mouvement ne laisse pas indifférents les usagers de la Polyclinique. Et c’est aussi pour eux que l’on se bat aujourd’hui. D’ailleurs, nos patients se rendent bien compte de notre situation. Ils voient bien que nous courons partout et que nous avons du mal à faire face aux multiples tâches qui nous incombent ». Elles vivent une situation très tendue depuis le mois de septembre 2016. « Nous étions jusque-là au service des Urgences. Depuis, nous n’avons plus de poste. Nous sommes en « supplément » dans plusieurs services. Nous sommes devenues en quelque sorte des « salariées fantômes », et c’est très dur à vivre ». Isabelle gagne 1250 euros nets par mois avec 14 ans d’ancienneté en travaillant un week-end sur deux. « Je ne suis plus sûre d’avoir envie d’exercer ce métier dans ces conditions. Ils finissent par nous dégoûter, en nous imposant des changements de service perpétuels ». De son côté, Mounia confie : « j’ai toujours l’amour de mon métier. Mais désormais, j’ai l’impression de n’être plus rien. Nous ne bénéficions plus des mêmes formations que les autres, et nous ne figurons même pas sur les plannings ». Malgré leur désarroi, Isabelle et Mounia restent combattives. « Ce qui nous aide à tenir le coup, c’est l’envie de préserver le bien-être et la qualité des soins pour les patients de la Polyclinique. Et aussi cette solidarité collective que nous découvrons aujourd’hui ».

Jean-François Courtille

Diaporama (Photos JF Courtille)

Vidéo de la manifestation

Video : interview aide soignante Céline

Vidéo interview Laurence Charroy déléguée syndicale CGT