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Les agents des impôts tirent le signal d’alarme

jeudi 17 novembre 2016 par Rédaction

Près de 150 personnes, agents des Finances Publiques et militants de l’UD ou de l’UL CGT, se sont rassemblées jeudi matin devant le Centre des Impôts de Tarbes, bloqué depuis hier. Les agents entament leur troisième journée de grève. Ils protestent notamment contre les 11 nouvelles suppressions d’emploi annoncées pour 2017 dans les Hautes-Pyrénées, et révèlent la dégradation de leurs conditions de travail quotidiennes, au détriment du service public des usagers. Une délégation a été reçue ce jeudi matin par le nouveau Directeur départemental des Finances Publiques, Rémi Viénot. Il a accepté de renoncer aux sanctions envisagées initialement pour dix grévistes, et il s’est engagé à mettre en place une concertation, service par service, pour chiffrer les besoins. Les agents se réuniront à nouveau en assemblée générale vendredi matin.

« Nous avons appris hier soir la suppression de 11 nouveaux postes dans les Hautes-Pyrénées pour 2017 : quatre cadres A, trois cadres B et quatre cadres C. En revanche, un poste « A + » va être créé. Il s’agira d’un directeur adjoint. C’est vraiment l’armée mexicaine ! ». Les agents des Finances Publiques des Hautes-Pyrénées sont en colère, après avoir appris cette nouvelle recueillie par l’intersyndicale CGT-FO-Solidaires. La grève des agents, entamée mardi, a été reconduite ce jeudi matin lors d’une assemblée générale qui s’est tenue devant le Centre des Impôts de Tarbes, bloqué par les grévistes depuis mercredi. Près de 150 personnes, agents en grève, et militants de l’UD ou de l’UL CGT venus les soutenir, étaient présentes sur le site. Une autre raison motivait la révolte des agents : le courrier adressé mercredi par la direction à dix d’entre eux, les menaçant de sanction pour « entrave à la liberté de travailler ». « C’est grave, car cela témoigne d’une volonté de casser le mouvement de grève des agents », dénonce José Navarro, secrétaire départemental de la CGT des Finances Publiques. « La seule violence, c’est celle des personnes qui décident les suppressions d’emploi, dans des bureaux feutrés », ajoute Philippe Villedieu, secrétaire départemental de Solidaires Finances Publiques. Devant le Centre des Impôts jeudi matin, Fatima, infirmière en grève de la Polyclinique de l’Ormeau-Pyrénées, est venue apporter son soutien aux agents, avec d’autres collègues. « Il faut rester unis et se battre, pour nos enfants et pour les générations à venir ». Citant la lettre adressée aux dix grévistes des Finances Publiques, François Dousseau, secrétaire de l’UD CGT, a évoqué un « durcissement des mesures prises à l’encontre des militants syndicaux, aussi bien dans le secteur privé que dans la fonction publique ».

Dans la foule des agents présents, plusieurs personnes témoignent de leurs difficultés quotidiennes dans le travail, et de leur désarroi face à la dégradation des métiers de la Finance publique. Anne est adjointe dans une trésorerie. Elle s’occupe notamment de la comptabilité des collectivités locales, du recouvrement des impôts, et aussi des contributions pour les cantines, les piscines, les thermes ou les stations de ski. « Nous ne sommes pas assez nombreux pour faire face à notre mission. Il manque au moins deux personnes à temps plein dans notre trésorerie. Une collègue partie à la retraite l’année dernière n’a pas été remplacée. Du coup, son travail échoit aux agents qui restent. Nous sommes obligés de prioriser, certaines tâches sont délaissées ». Anne souligne que, pour l’instant, cela ne se voit pas trop. « Mais bientôt, les collectivités locales, qui rencontrent déjà des difficultés pour boucler leurs budgets, vont s’apercevoir que leurs recettes diminuent, à cause de cette situation. Du côté des impôts, cela sera la même chose, et c’est l’Etat qui va en pâtir ». La jeune femme confie que, au démarrage de son activité, elle a repris le recouvrement des impôts locaux. « Mais je n’ai plus le temps de m’en occuper depuis que ma collègue est partie à la retraite. Les gens qui ne paient pas, nous n’avons plus le temps de les relancer. Nous assurons le plus urgent : payer les dépenses des collectivités locales, et collecter les recettes qui ne demandent pas de relance. Cela peut impacter aussi les entreprises : par exemple, les délais de paiement des factures sont plus longs pour les chantiers réalisés par des artisans dans une collectivité locale ». Avec ce mouvement de grève des Finances Publiques, Anne espère simplement « arrêter la dégradation de nos conditions de travail ».

Jean-Marie est géomètre du cadastre. « Nous assurons la mise à jour du plan cadastral. Nous aidons à l’évaluation de la valeur locative des bâtiments, en lien avec les agents du cadastre. Nous avons subi nous aussi des suppressions de poste : nous étions 8 postes implantés, il en reste 6, et bientôt 5, avec un prochain départ à la retraite non remplacé ». Dans les faits, Jean-Marie précise que ses collègues et lui doivent se recentrer sur la tenue du plan cadastral. « L’activité de conseil et d’évaluation n’est plus assurée. Les agents travaillent ‘à l’aveugle’. Du coup, l’équité fiscale est compromise, pour la taxe d’habitation, la taxe foncière « bâti » et la Cotisation Foncière des Entreprises (l’ancienne taxe professionnelle, NDLR). Nous n’avons plus le temps de vérifier les déclarations effectuées par les contribuables ». En 2017, la situation risque encore de s’aggraver, selon Jean-Marie. « Depuis six ou sept ans, le service du cadastre était réparti sur trois sites : Tarbes, Lourdes et Lannemezan. Faute de personnel suffisant à Lourdes et à Lannemezan, désormais, toutes les activités du cadastre seront regroupées à Tarbes. Cela va pénaliser les personnes vivant dans les zones les plus éloignées du chef-lieu de département ». Jean-Marie souligne aussi la perte du lien avec les communes, faute de temps. Et la dégradation technique du plan cadastral, avec l’insuffisance des remises à niveau. « De plus, on nous demande davantage de polyvalence. Mais le travail au cadastre ne s’apprend pas du jour au lendemain, d’où la perte continue de qualité technique. Aujourd’hui, il ne reste plus dans les Hautes-Pyrénées que deux agents réellement issus du cadastre ». Au passage, Jean-Marie dévoile une innovation récente qui pénalise les entreprises : « à présent, pour régler leur CFE (Cotisation Foncière des Entreprises), elles n’ont plus le choix qu’entre le prélèvement à échéance ou le télépaiement ». Un manque de souplesse lié aussi à la diminution des postes d’accueil du public.

C’est d’ailleurs la partie la plus visible du désarroi qui touche aujourd’hui les Finances Publiques dans notre département. Les files d’attentes sont devenues monnaie courante au Centre des Impôts de Tarbes, comme dans d’autres sites des Hautes-Pyrénées. Thierry travaille à la réception et à l’accueil du public dans plusieurs trésoreries locales. « Nous recevons beaucoup de personnes âgées, qui préfèrent se déplacer et parler à un agent, plutôt que d’utiliser Internet. C’est particulièrement vrai dans les zones rurales : Trie, Saint-Laurent de Neste, Luz, Vieille-Aure, Loures-Barousse ou Maubourguet. Là encore, nous n’avons plus assez de temps pour nous occuper de ces usagers correctement. Je me retrouve parfois seul pour accueillir le public, en ayant aussi la charge de boucler la comptabilité. La réduction des effectifs et des horaires d’ouverture au public entraîne logiquement des afflux très importants à certaines périodes de la semaine. Comme beaucoup d’activités sont désormais regroupées sur Tarbes, cela oblige les contribuables à effectuer parfois de longs déplacements s’ils habitent dans les zones rurales ». Jean-Marie est rentré aux Finances Publiques en 1983. Il avoue n’avoir jamais constaté une situation aussi dégradée. Et il est très inquiet pour l’avenir. Il espère que le mouvement de grève va convaincre la direction d’arrêter le cycle des suppressions de postes. « Quand on lit les programmes des candidats aux élections présidentielles, ils veulent tous réduire encore les effectifs dans la fonction publique. Comment allons-nous y arriver ? Nous ne pouvons plus réaliser aujourd’hui du bon boulot. J’ai l’impression d’assister à une lente et inexorable agonie de notre service public … ».

Une délégation des agents en grève a été reçue jeudi matin par le Directeur Départemental des Finances Publiques, Rémi Vienot. La discussion a duré deux bonnes heures, « dans un climat tendu », selon l’intersyndicale CGT-FO-Solidaires. Finalement, le directeur a renoncé aux sanctions envisagées initialement à l’encontre des dix grévistes. Répondant à la demande des syndicats, il s’est engagé « solennellement » à organiser des discussions locales, service par service, pour chiffrer les besoins. Il a souligné aussi que le blocage du Centre des impôts de Tarbes posait un vrai problème à l’administration des Finances Publiques. De leur côté, les agents ont prévu de se retrouver vendredi matin en assemblée générale, pour décider s’ils poursuivent ou non leur mouvement de grève.

Jean-François Courtille