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Polyclinique de l’Ormeau à Tarbes : les salariés poursuivent leur mouvement de grève

mardi 15 novembre 2016 par Rédaction

Marche silencieuse dans les rues de Tarbes, rencontre avec la Préfète et la direction de la Polyclinique, manifestation de soutien à une syndicaliste de l’ANRAS, occupation du site de l’Ormeau Centre : les salariés en grève de la Polyclinique Ormeau-Pyrénées ont vécu une intense journée d’action collective lundi. Le mouvement se poursuit ce mardi 15 novembre, avec un premier rendez-vous à 8h30 pour une assemblée générale devant le site d’Ormeau-Pyrénées. Après les ASH, les autres catégories du personnel, brancardiers, administratifs, aides-soignants et infirmières témoignent à leur tour.

Devant la Préfecture des Hautes-Pyrénées, ce lundi 14 novembre 2016, près de 300 personnes sont rassemblées, pour soutenir la délégation des grévistes de la Polyclinique de l’Ormeau-Pyrénées et de la CGT, pendant la rencontre avec la Préfète, la direction de l’établissement, l’ARS et la DIRECCTE. Pendant que le haut-parleur du syndicat diffuse la musique des Colporteurs ou les chansons de Georges Brassens, les salariés décrivent en détail les difficultés rencontrées dans leur travail quotidien à la Polyclinique tarbaise. Michel est l’un des « brancardiers révoltés ». Il travaille au bloc opératoire. « Nous avons un rythme de travail ‘au taquet’, en raison du manque d’effectifs. Dans une même journée, nous pouvons transporter entre 28 et 40 patients, rien que pour le bloc. On nous demande aussi de rentrer sur informatique les heures d’arrivée des patients. Cela nous met mal à l’aise, car nous avons l’impression de contribuer à un ‘flicage’ de nos collègues. Et puis, nos salaires sont très bas. J’ai 28 ans d’ancienneté dans cette entreprise : 10 comme agent d’entretien et 18 comme brancardier. Je gagne 1170 euros nets par mois ! Les trois quarts des salariés de la Polyclinique ont d’ailleurs des revenus du même type ».

Isabelle, Esther, Marie, Ruth et Dominique font partie du personnel administratif de l’établissement. « Nous sommes au premier plan pour essuyer la colère des patients, au moment de leur départ. Ils ne comprennent pas pourquoi leurs frais sont si élevés, même quand ils ont de bonnes mutuelles. Après leur séjour, les patients nous téléphonent et nous envoient des courriers pour se plaindre d’être traités comme des ‘vaches à lait’, compte tenu des tarifs pratiqués par la Polyclinique. Notre rythme, c’est vraiment le travail à la chaîne. Nous sommes toute la journée en plein courant d’air, les sièges ne sont pas ergonomiques. De plus, nous changeons sans arrêt de site, les plannings sont mal composés. Cela nous place en situation de stress permanent. Nous voyons certains jours des files d’attentes se former. Les changements de poste ne nous sont même pas annoncés par les cadres, ce sont souvent les autres collègues qui doivent nous en informer. Nos salaires sont faibles. Avec 34 ans d’ancienneté, une collègue gagne 1240 euros nets par mois. Une comptable en place depuis 40 ans gagne 1600 euros. Avant, nous prenions plaisir à venir travailler. Désormais, nous avons ‘la boule au ventre’ avant d’y aller. Le patient est-il vraiment toujours la priorité à la Polyclinique de l’Ormeau-Pyrénées ? ».

Jeanine, aide-soignante, témoigne au nom des collègues de son métier. « Nous ne sommes pas en effectif suffisant par rapport au nombre de patients accueillis. Les changements de service sont perpétuels. Parfois, nous découvrons en arrivant le soir dans quel service nous allons être affectés. Ou alors, nous sommes prévenus deux heures avant par téléphone. Au début, je travaillais en urologie. Désormais, je peux être amenée à rejoindre d’autres services, comme la chirurgie, l’orthopédie ou la gastro. Cela pose un réel souci. Les aides-soignants sont formés dans une discipline précise. Dans les autres services, ils ne maîtrisent pas les protocoles, ne connaissent pas les habitudes des médecins et n’ont pas les bons réflexes. Cela fragilise les équipes. On nous dit ‘vous devez être capables de polyvalence’. Mais quand on a travaillé 20 ans en orthopédie, comment voulez-vous être à la hauteur du jour au lendemain en arrivant en oncologie (le traitement des cancers, NDLR) ? Il arrive souvent qu’une infirmière se retrouve seule avec deux aides-soignantes pour deux services différents. Ces situations mettent tout le monde en danger ». Aujourd’hui, le salaire d’une aide-soignante à la Polyclinique, avec 23 ans d’ancienneté et 2 week-ends de travail par mois, s’élève à 1400 euros nets.

Laure, infirmière, a rejoint le mouvement de grève « car j’en ai marre de travailler dans des conditions de m… , toujours dans l’urgence ». Pour illustrer son propos, elle raconte l’anecdote suivante. « Le passage d’un patient au bloc opératoire était programmé à 11h30. D’un seul coup, on le voit arriver à 8h30. Il nous faut alors le préparer en un quart d’heure avec l’aide-soignante : le raser, le laver, nettoyer ses plaies, effectuer les prélèvements imposés sur les plaies, essayer de calmer son stress. Il part au bloc. Et 5 minutes plus tard, on le voit revenir, car finalement, le planning a changé ! Une autre fois, je me suis retrouvée seule, sans aide-soignante, pendant une après-midi, en cardiologie, parce que l’une de mes collègues avait eu un accident de travail. J’ai dû abandonner les soins d’un patient, quand on m’a appelée d’urgence pour une réanimation sur un autre patient en train de mourir ! ». Laure pointe aussi un manque de respect de la part de certains médecins. « L’un d’entre eux nous a demandé un soir, à 19h45, tous les bilans d’un patient, un quart d’heure avant que la collègue de nuit arrive et que l’aide-soignante reparte. J’ai dû appeler le labo en urgence. Pendant ce temps-là, le temps défilait, les consignes ne pouvaient pas être transmises à l’infirmière de nuit, les patients appelaient et on ne pouvait pas les prendre en charge ! ». Laure a été embauchée il y’a cinq ans, après son diplôme d’Etat. Depuis, elle a toujours le même salaire. « En chirurgie vasculaire, nous sommes présentes 13h par jour à la Polyclinique, avec seulement 40 minutes de pause pour déjeuner ».

Paula, l’une des ASH de la Polyclinique, évoque la « très grande souffrance psychologique vécue par toutes les catégories de métiers de la Polyclinique ces derniers jours ». Même si elle avoue « ne pas avoir réussi à dormir depuis quatre jours », elle est déterminée, avec ses collègues, à mener la lutte jusqu’au bout. Pour le respect de la santé des patients et pour l’amour du métier.

Jean-François Courtille