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La révolte du personnel soignant des hôpitaux et cliniques des Hautes-Pyrénées

mardi 8 novembre 2016 par Rédaction

Infirmières, aides-soignantes, agents de service hospitalier : ils étaient près de 400 à défiler mardi dans les rues de Tarbes, entre la Caisse Primaire d’Assurance Maladie et la Polyclinique de l’Ormeau. Une mobilisation provoquée par la volonté de replacer l’être humain au cœur de l’acte de soin, et par le désir de préserver l’avenir de la protection sociale dans notre pays.

Blouses bleues, gilets fluo ou tenues de ville : dans une symphonie de couleurs, les agents ou salariés du personnel soignant des Hautes-Pyrénées sont descendus massivement dans la rue ce mardi 8 novembre 2016 à Tarbes. Près de 400 personnes ont répondu à l’appel national de l’intersyndicale CGT-FO-FSU-Solidaires, pour défendre la Sécurité Sociale. Parmi elles, une majorité d’infirmières, d’aides-soignants et d’Agents de Service Hospitalier (ASH) ont aussi exprimé leur ras-le-bol vis-à-vis de la dégradation de leurs conditions de travail et de rémunération. Une colère résumée par ce texte affiché sur le dos de l’une des manifestantes : « le patient avant les profits ». Ou encore, sur cette pancarte tenue par une autre manifestante : « la santé n’est pas une marchandise ». Le cortège s’est constitué devant la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, avant de longer l’Agence Régionale de Santé, puis de se rendre devant la Polyclinique Ormeau-Pyrénées, où près de 200 salariés ont lancé une grève reconductible. Dans la première partie de la manifestation, les agents du Centre Hospitalier de Lannemezan ont défilé aux côtés de ceux de l’hôpital de Bagnères. Ils ont côtoyé les agents de la CAF, des Impôts ou de l’URSSAF, et les salariés, retraités ou privés d’emploi présents, au titre de la « solidarité interprofessionnelle ».

Nadège est infirmière au Centre hospitalier de Lannemezan. « Nous nous battons pour défendre l’hôpital de proximité et pour dénoncer nos conditions de travail. En particulier, le non-respect des plannings et la hausse des amplitudes horaires. Par exemple, nos collègues de la ligne de garde des urgences sont souvent obligés de compléter l’activité au bloc opératoire ». Laure, syndiquée à la CGT, est aide-soignante à l’hôpital psychiatrique de Lannemezan. « Nous continuons à demander une dérogation au projet de Groupement territorial des hôpitaux. Notre centre hospitalier remplit les trois critères pour obtenir cette dérogation : la taille de l’établissement, la situation géographique, avec des urgences à 30 minutes de notre rayon d’action, et la présence des activités médicales spécifiques. Nous avons par exemple un nouveau service de chirurgie orthopédique, avec des chirurgiens réputés en provenance de Toulouse ». Michel, aide-soignant et responsable du syndicat CGT des hôpitaux de Lannemezan, dénonce « la suppression d’une quarantaine de lits, et la perte d’une centaine de postes équivalent temps plein, au cours des dernières années ». Une situation de l’emploi qui a des conséquences négatives pour les patients, notamment à l’hôpital psychiatrique, selon Martine, infirmière en pédopsychiatrie. « Quand nous ne sommes pas suffisamment nombreux dans nos services, pour peu qu’une personne soit en arrêt maladie, les patients se sentent insécurisés. Ils courent le risque de « décompenser » ou de « clasher ». Les agents hospitaliers estiment qu’il faudrait créer de nouveaux postes au lieu d’en supprimer. « Cela éviterait les « burn-out » qui commencent à toucher nos collègues », souligne Laure. De son côté, Hervé, syndiqué Force Ouvrière à l’hôpital de Lannemezan, défile pour des raisons similaires, même si la banderole de son syndicat a été oubliée en cours de route. « Nous dénonçons la dégradation des conditions de travail, et aussi le manque de reconnaissance vis-à-vis des agents ».

La sono du camion de la CGT distille, comme un clin d’œil à la forte présence féminine au sein de la manifestation, une célèbre chanson de Jean Ferrat d’après un poème de Louis Aragon, « La femme est l’avenir de l’homme ». Et devant la Polyclinique Ormeau-Pyrénées, près de 200 salariés, en majorité des femmes, font monter l’ambiance sonore d’un ton, en scandant « on lâche rien ». Une grève reconductible a été votée le 4 novembre. Débutée dès 7 heures du matin ce mardi, elle va être renouvelée mercredi, avec à la clé une nouvelle manifestation entre les deux sites de la Polyclinique, et une pétition proposée aux usagers. Avec l’arrivée des premiers manifestants, en provenance de l’Agence Régionale de Santé, le défilé atteint près de 400 participants sur le rond-point des Pyrénées. Tout naturellement, les salariés en grève de la Polyclinique prennent la tête du cortège, dans un joyeux tintamarre de slogans et de coups de sifflet. Marie-Pierre est aide-soignante à l’Ormeau-Pyrénées. « Il devient de plus en plus difficile de consacrer le temps nécessaire aux patients », déplore-t-elle. « Je me souviens d’une petite mamie qui a dû sortir très tôt le matin, car on avait besoin de son lit. Certains patients sont renvoyés dans leurs foyers alors qu’ils auraient manifestement besoin de rester plus longtemps sous surveillance sanitaire ». Elle évoque aussi « la gestion à flux tendus des médicaments ou du linge, qui nous amène parfois au bord de la rupture de stocks ». Ou encore « la transformation de services spécialisés en services généraux, qui permet ainsi de regrouper du personnel, en diminuant la quantité de prise en charge réelle des soins ». Autres points critiqués : les participations financières demandées aux patients de la Polyclinique et jugées excessives : la chambre individuelle à 65 euros, ou les frais de dossier à 11 euros. Enfin, les salariés dénoncent la décision prise par la direction, « sans nous consulter », de passer l’amplitude horaire de travail de 12h à 12h40, le repas n’étant plus compté comme temps de travail.

Les manifestants achèvent leur boucle, en revenant devant la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, non sans avoir réclamé « des moyens pour la santé » en passant devant le siège de l’ARS. Alors que sous le barnum, des militants de la CGT préparent les sandwiches, François Dousseau, secrétaire de l’UD CGT, prend la parole pour lire le contenu de la lettre intersyndicale aux parlementaires des Hautes-Pyrénées. « La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 que, pour ce qui concerne les députés, vous avez votée en première lecture ce 2 novembre, s’inscrit dans une logique purement comptable, où les économies financières priment sur les besoins sociaux et de santé ». Les syndicats CGT-FO-FSU et Solidaires stigmatisent notamment « le renoncement aux soins, la remise en cause de la qualité du travail des professionnels de santé et de la Sécurité sociale, avec la suppression de 8800 postes et les coupes franches dans les budgets des hôpitaux publics ». D’une manière générale, les syndicats dénoncent une loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 « qui fait de réduction des déficits un objectif en soi, diminue les prestations dans tous les secteurs, et conduit un nombre croissant d’usagers à se soigner selon leurs moyens et non selon leurs besoins ». Ils proposent la création d’un « grand service public de la santé et de l’action sociale, le développement de services des organismes sociaux adaptés aux situations et aux besoins nouveaux de notre société ».

La responsable du syndicat FO Hospitaliers complète cette déclaration en assurant que les agents, « face à toutes les mesures qui les asphyxient, ne lâcheront rien ». Elle évoque aussi le rassemblement dans le hall de l’Hôpital de Tarbes, ce même mardi 8 novembre. Laurence Charroy, responsable de la CGT à la Polyclinique de l’Ormeau, enfonce le clou en critiquant « une organisation du travail de plus en plus déshumanisée, au sein de laquelle les salariés deviennent de simples variables d’ajustement ». Elle souligne aussi la dégradation de la situation salariale. « En 2002, un salarié débutait sa carrière à 10% au-dessus du Smic et la terminait à 26% au-dessus du Smic. En 2016, il démarre au Smic et il aura en fin de carrière seulement 6% au-dessus du Smic ». Elle conclut en appelant les pouvoirs publics à « écouter la voix des salariés ». Enfin, Sylvie Benesty, pour la CGT de la CAF, de l’URSSAF et des organismes sociaux, dénonce elle aussi les milliers de suppressions de postes dans ces services. Elle annonce que le personnel de la CAF a déposé un préavis de grève le 22 novembre, pour protester contre « l’asphyxie permanente qui touche nos services ». Parmi les manifestants, Laure, l’aide-soignante de l’hôpital psychiatrique de Lannemezan, lance cet avertissement à sa ministre de tutelle. « Madame Touraine ne doit pas se leurrer. Nous continuerons à nous battre pour ce qui est légitime : la qualité et la proximité des soins ».

Jean-François Courtille