Site d’informations en ligne, sur Tarbes et le Grand Tarbes

  Informations Lourdes et Grand Tarbes  Informations Lourdes et Pays de Lourdes  Informations Bagnères de Bigorre  Informations Argelès-Gazost Vallées des Gaves  Informations Pays de Lannemezan  Information Pays du Val Adour  Informations Hautes-Pyrénées     
         

Tarbes : Les Assises de la culture ont libéré la parole des artistes

mercredi 16 mars 2016 par Rédaction

Près de 150 professionnels du monde des arts ou responsables d’associations ont participé vendredi aux premières Assises de la culture organisées par la Ville de Tarbes. L’occasion d’un état des lieux de la production culturelle dans l’agglomération tarbaise. Les participants ont pu s’exprimer très librement, parfois vigoureusement, en pointant les difficultés rencontrées et en esquissant des propositions pour l’avenir. Un bel essai qui reste à transformer.

Faut-il répondre à la « demande culturelle », ou proposer au public de découvrir de nouvelles formes de création artistique ? Comment redonner aux personnes le goût du spectacle vivant ? Quelle est la place de l’école et des bibliothèques dans l’éveil artistique et culturel des enfants et des jeunes ? Faut-il essayer d’attirer le public dans les lieux de spectacle, ou plutôt aller à sa rencontre là où il vit et où il travaille ? Comment remédier à la pénurie de moyens financiers et à la paupérisation des intermittents du spectacle ? Qu’est-ce qui permet de stimuler la création artistique et la diversité culturelle ? Toutes ces questions, et bien d’autres encore, ont été soulevées par les 150 participants aux premières Assises de la culture à Tarbes, vendredi dernier.

« Je vous demande de faire preuve de plus d’audace dans votre engagement et vos propositions au public », a lancé Gérard Trémège, dans son discours d’ouverture des Assises. Après avoir exprimé sa « croyance dans ce que représente la culture pour la vie des citoyens », le maire de Tarbes a souhaité que les professionnels du monde des arts « redonnent à la population une vraie envie de culture ». Pour Gérard Trémège, « la culture ne doit pas seulement s’offrir, elle doit aussi aller à la rencontre des gens là où ils vivent ». Le maire de Tarbes a souligné l’importance du Pacte culturel de 3 ans avec la DRAC. Il a exhorté l’équipe du Parvis à aller voir les spectacles présentés par les compagnies tarbaises, et a demandé à celles-ci d’aller voir les spectacles du Parvis. Enfin, il a évoqué la réflexion en cours sur « la création d’un centre de congrès qui soit aussi une salle de spectacle ». Un appel à projet sera lancé fin 2016, en vue de construire le centre d’ici 2018. Céline Roulet, adjointe au maire chargée de la culture, a insisté sur la richesse et la diversité du réseau culturel tarbais. Elle s’est engagée à œuvrer pour la rédaction d’un « projet global et ambitieux », appuyé sur les travaux des Assises de la culture.

Invitée au nom du Grand Tarbes, Geneviève Isson a rappelé l’engagement de la Collectivité d’agglomération au service de la culture, avec un budget annuel cumulé de 15 millions d’euros. Elle a aussi affirmé être « consciente de l’importance accordée à la culture sur Tarbes par Monsieur Trémège ». Les secteurs de compétence du Grand Tarbes étant les bibliothèques, les écoles de musique et la Scène Nationale du Parvis, la maire de Séméac a centré son intervention sur ces trois domaines. Elle a notamment dévoilé la réflexion du Grand Tarbes sur la réorganisation du réseau des médiathèques, pour répondre à sa mission en faveur de la lecture publique. « Nous avons 6584 lecteurs actifs, sans compter les visiteurs. Mais nous comptons seulement 12% d’inscrits par rapport au nombre d’habitants. Cela implique une modernisation de notre réseau ». Madame Isson a rappelé que les bibliothèques constituent de plus en plus des « lieux de socialisation ». Elle a évoqué la nécessité d’aller davantage à la rencontre du public, notamment dans les quartiers populaires. Elle a insisté aussi sur l’importance de « l’animation culturelle », citant en exemple les 3500 visiteurs attirés par l’exposition « Seigneurs et courtisanes » à la Médiathèque Louis Aragon. Enfin, à propos du Parvis, Geneviève Isson a souligné l’intérêt de la politique « Hors les murs », qui permet à la Scène Nationale d’aller aussi à la rencontre des publics éloignés de la culture.

Dans son intervention, la Préfète Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc a relevé que « la culture doit parfois nous provoquer, et parfois nous réunir ». Elle a réaffirmé l’attachement de l’Etat au Parvis, tout en appuyant l’enjeu d’accorder une place plus grande à ses relations avec les autres partenaires culturels. Elle a souligné que le pacte culturel signé avec la DRAC exprime la volonté de l’Etat de s’engager davantage aux côtés des acteurs locaux de la culture. Madame Servate, chef de cabinet du directeur de la DRAC, a insisté sur la priorité accordée aux jeunes, sur l’égalité des territoires et sur l’accès de tous à la culture. Karine Mathieu, chef de projet FRAC Midi-Pyrénées, a évoqué la « nouvelle diffusion des œuvres culturelles », à travers des projets comme les « expositions nomades ». Répondant au maire de Tarbes et à son souhait de « mieux répondre à la demande culturelle », Madame Mathieu s’est interrogée : « faut-il programmer ce que le public attend ou l’entraîner vers des chemins de traverse » ?

Marie-Claire Riou, directrice du Parvis, a précisé que la Scène nationale « redistribue, en moyenne, 100 000 euros par an aux scènes régionales ». Elle a confié que l’ambition du Parvis consiste à « essayer de créer la confrontation entre des artistes et des univers esthétiques différents ». Elle a aussi évoqué le travail de la Scène, dans le cadre de la Politique de la Ville, avec des publics en situation sociale difficile. Madame Riou a annoncé l’ouverture prochaine au Parvis d’une petite salle consacrée aux « ateliers d’expérimentation ». Elle a conclu son intervention en assurant que « c’est le doute qui nous fait avancer ». François Giustiniani, directeur des Archives et des Patrimoines, a plaidé pour le croisement entre les domaines culturels différents, citant en exemple les concerts de musique contemporaine organisés dans un lieu chargé d’histoire comme l’Abbaye de l’Escaladieu. « Le patrimoine des Hautes-Pyrénées est discret, mais très riche. Il a un caractère, une histoire, une culture », a-t-il estimé. Répondant lui aussi au discours du maire de Tarbes, il a jugé « terrifiant de vouloir répondre à la demande culturelle. Notre mission n’est pas là, elle consiste à susciter une offre ». Dernier intervenant de la matinée, Pierre Domengès, le directeur de la Scène de Musiques Actuelles de la Gespe, a pointé la nécessité de l’accompagnement des artistes dans la durée. Une démarche qui va jusqu’à « salarier les artistes en résidence, pour les placer dans les meilleures conditions de création ». Il a aussi rappelé les efforts de l’équipe pour que le public « s’approprie la salle de la Gespe, mais aussi d’autres lieux culturels tarbais ». La participation à la Quinzaine des Migrants. Le projet du « Mur du son » qui rapproche la musique et la littérature. Les relations avec les groupes de « musiques urbaines ». Ou l’action en direction du monde du travail. Toutes ces réalisations s’inscrivent dans cette démarche. Pierre Domengès a dévoilé « la souffrance vécue par de nombreux artistes du secteur musical », confrontés à la précarité financière et à la difficulté de monter des projets. Enfin, il a annoncé la création d’un « festival « Rockabilly » du 31 août au 3 septembre. Un rendez-vous qui mêlera la musique, la mode et le « vintage ».

Un bref débat s’est ensuite engagé entre les intervenants et les participants aux Assises, en guise d’apéritif avant les ateliers de réflexion de l’après-midi. Bernard Monforte, comédien et directeur de la Compagnie théâtrale « Il est une fois », a souligné les difficultés rencontrées par les compagnies locales. « Certes, nous sommes aidés par la Ville et par le Département, mais nous n’avons jamais reçu la moindre visite de la DRAC ou du Parvis. Et quand nous allons à Toulouse, on nous lance que « Tarbes est un désert culturel ». De son côté, Michel Gomez, directeur du « Théâtre du Jeu », après avoir rappelé le naufrage prématuré du Chaudron à Tarbes, a enfoncé le clou, en apostrophant vigoureusement la chef de cabinet de la DRAC et la directrice du Parvis. « Nous aussi, nous revendiquons une mission d’éducation populaire, et un travail en direction des établissements scolaires ». François Giustiniani a reconnu que « l’économie du spectacle peut générer de la concurrence ». Mais il a appelé les différents acteurs de la culture à se situer « en complémentarité et non en concurrence ». En clôture de la matinée, Gérard Trémège a exprimé le souhait de voir le Parvis et les compagnies se rendre mutuellement visite « avant que je quitte la Mairie ! ».

Après le déjeuner, quatre ateliers thématiques se sont constitués. La lecture publique, avec Jean Buathier, à la Médiathèque Louis Aragon. Le patrimoine, aux Archives municipales, avec Karen Palmieri et François Giustiniani. L’art contemporain, à l’ESAP, avec Nicole Zapata et Jean-François Dumont. Et le spectacle vivant, avec Stéphane Rigot, directeur de Tarbes en Scènes. Ce dernier a eu la surprise de voir 45 personnes le rejoindre pour son atelier, dans la petite salle de répétition du Pari. Un débat très riche s’est engagé entre les personnes présentes. De nombreuses questions ont été abordées. Comment proposer la culture dans les quartiers populaires ? Pourquoi le public du théâtre de boulevard ne va-t-il pas voir d’autres spectacles ? Comment faire face au désengagement financier de l’Etat vis-à-vis de la culture ? Le spectacle doit-il divertir ou faire réfléchir le public ? Qu’est-ce que la démocratisation de la culture ? Quelle articulation établir entre l’éducation et les politiques culturelles ? Faut-il une coordination départementale de la culture ? Comment mettre à disposition des moyens matériels pour les associations ? Quelle place pour le public et pour les artistes handicapés ?

Les participants ont aussi esquissé des propositions. Développer la formation continue pour les artistes. Rendre le Théâtre des Nouveautés plus accessible pour les compagnies locales. Construire un équipement adapté aux spectacles de danse et de musique classique. Mutualiser certains moyens techniques. Développer le spectacle de rue, notamment l’été. Augmenter le nombre et la qualité d’accueil des résidences de création. Se rendre visite mutuellement, pour découvrir d’autres univers artistiques. Accentuer la sensibilisation culturelle auprès des écoles et des bibliothèques. Stéphane Rigot s’est félicité de la liberté de ton au sein de l’atelier. Il a annoncé que les Assises seraient suivies d’autres rencontres, pour affiner la réflexion et dégager des pistes d’action concrètes.

A la sortie du Pari, Céline Roulet a noté que « le monde des arts et de la culture de Tarbes a répondu présent au rendez-vous que nous lui avions proposé ». Elle s’est engagée à réaliser rapidement, avec son équipe, un document de synthèse, qui « sera envoyé pour avis aux participants, et s’articulera autour de trois grands axes de travail, clairement ressortis des Assises ». Elle envisage d’autres étapes de consultation, en 2016 et en 2017. Marie-Claire Riou a estimé que ces Assises ont facilité « la rencontre entre des personnes et des problématiques très diverses, concernées par l’art et la culture sur notre territoire ». Elle a rappelé que « la politique culturelle sur Tarbes ne pourra pas être entièrement définie par les Assises, et que la Ville devra aussi effectuer des choix ». Enfin, Bernard Monforte a qualifié cette journée de « bonne entame de réflexion ». Il espère, comme de nombreux autres participants, « une suite rapide à ces Assises, avec la constitution de petits groupes de travail sur des thèmes plus précis ». L’avenir de la création culturelle sur Tarbes dépendra en partie des retombées concrètes de ce rendez-vous collectif du monde des arts.

Jean-François Courtille