Séméac : Le souffle pédagogique des « Héritiers »

La soirée organisée jeudi par le Ciné des CE et des COS des collectivités territoriales, autour de la projection du film « Les Héritiers », a attiré un public de toutes les générations. Le film a touché les spectateurs. Il a ouvert la voie à un débat intéressant sur les thèmes de la transmission de l’histoire et des valeurs de la République, ainsi que sur la pédagogie du projet collectif.

Une salve d’applaudissements éclate dans la salle Albert Camus de Séméac ce jeudi soir. Le générique du film « Les Héritiers » défile, et les spectateurs de tous âges, dont plusieurs élèves du lycée Sixte-Vignon d’Aureilhan, expriment leur enthousiasme, après la projection de cette œuvre touchante et juste. La soirée organisée par les Comités d’entreprise et les Comités des Œuvres Sociales des collectivités territoriales a atteint son objectif.

Dans le film, une enseignante du lycée Léon Blum de Créteil lance à sa classe de seconde, composée de jeunes d’origines diverses en souffrance scolaire, un défi incroyable. Elle leur propose de participer collectivement à la préparation du Concours National de la Résistance, et sur un thème ardu, « Les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi ». Au fil des semaines, le groupe des jeunes, d’abord très divisé, parfois violemment, se soude autour du projet. Le témoignage poignant d’un rescapé du camp de Buchenwald constitue le déclic décisif. Sous les yeux émerveillés des enseignants, les jeunes se métamorphosent et constituent une équipe gagnante, qui va remporter le premier prix au Concours.

Après le film, Robert Tamburello, membre de l’équipe du « Ciné des CE et des COS », lance le débat. Martine Fochesato, enseignante retraitée, souligne la dimension citoyenne des « Héritiers ». « Les valeurs de la République, il faut les faire vivre au quotidien ». Elle insiste sur le devoir de mémoire évoqué par le film. « L’histoire collective fonde notre humanité. Nous devons apprendre à en hériter, comme le montrent les jeunes du lycée Léon Blum de Créteil ». Elle note aussi la qualité pédagogique de l’enseignante, interprétée avec son rayonnement habituel par Ariane Ascaride. « Elle dit aux jeunes qu’elle leur fait confiance, alors qu’ils ne se font pas confiance eux-mêmes. C’est le seul professeur qui parvient à dialoguer avec eux, malgré leur agressivité ou leur démotivation ».

François Giustiniani, directeur des Archives Départementales, avoue que le film lui donne « du courage et de l’espoir ». Il se dit très attaché au devoir d’histoire. « Avec l’équipe du service éducatif des Archives, nous amenons les enfants à ‘faire de l’histoire’. C’est une manière de les aider à prendre du recul. L’histoire de toute l’humanité fait partie intégrante de notre histoire collective ». Dans le film « Les Héritiers », il relève l’une des scènes où des élèves apprennent à décrypter une affiche de propagande du maréchal Pétain.

Une spectatrice pointe le fait que « L’enseignante les amène à regarder l’histoire avec leurs propres yeux, et à creuser la signification des documents historiques, au-delà des apparences ». Le directeur des Archives relate ensuite deux expériences marquantes vécues avec des groupes d’élèves. D’abord, un travail de 45 minutes sur une liste d’émargement électoral. « En découvrant les noms des personnes inscrites, ils ont pris conscience de la diversité des origines de la population française aujourd’hui ». Ensuite, un exercice de « jury d’assises » autour d’un fait divers à Pouzac en 1870. « La classe avec laquelle cet exercice a le mieux fonctionné était composée de nombreux élèves issus de l’immigration récente ».

Martine Fochesato rappelle que le thème de l’histoire n’est pas le seul capable de fédérer les jeunes autour de la « pédagogie du projet collectif ». Elle cite une classe en difficulté scolaire, qui a mené un projet d’embellissement du collège Paul Valéry de Séméac, en lien avec un professeur de Sciences de la Vie et de la Terre. « Ils ont remporté un prix d’excellence dans leur catégorie de projet et ont eux aussi effectué un voyage à Paris pour être récompensés. Quand on les a interrogés sur ce qu’ils retenaient de cette expérience, ils ont dit : nous avons appris à nous parler, et nous avons vu autrement nos enseignants ».

Pour conclure le débat, une responsable du Musée de la Résistance et de la Déportation de Tarbes rend hommage à son tour au travail historique accompli par les jeunes élèves des Hautes-Pyrénées. « 11 collèges et lycées des Hautes-Pyrénées ont été primés récemment lors du Concours National de la Résistance. Le collège Pyrénées a même décroché le 4ème prix au niveau national en 2015, ce qui lui a valu un voyage à Paris ». La preuve que « le devoir de mémoire et d’histoire » est encore bien vivant dans notre département aujourd’hui. A condition de savoir oser, comme l’enseignante du film « Les Héritiers », faire confiance aux jeunes et à leurs qualités.

Jean-François Courtille