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TGI : Audience solennelle de rentrée

samedi 24 janvier 2015 par Rédaction

Chantal Firmigier-Michel, procureure de la République :
« Cette année 2014 n’a pas été pour moi une année comme les autres »

L’audience solennelle de rentrée du Tribunal de Grande Instance s’est tenue hier matin sous la présidence de Philippe Hoareau en présence du président près la cour d’appel de Pau et du procureur général, des magistrats, du secrétaire général de la préfecture M. Charrier, des élus, des représentants de la gendarmerie et de la police, des chambres consulaires, d’experts et des milieux judiciaires en général.

On attendait le commentaire de la procureure de la République Chantal Firmigier-Michel après la mise en cause de Médiapart au sujet d’une collusion supposée de la magistrate avec le maire de Tarbes suite à l’enquête conduite sur d’éventuels marchés publics truqués qui n’a jusqu’à présent abouti sur rien de concret. Soumise à un droit de réserve, l’instruction étant en cours, elle s’est contentée de faire des allusions (AUDIO)

A la fin de son discours, le président Hoareau n’a pas manqué de son côté de lui apporter son soutien, en livrant ces quelques mots tirés de la pièce Hamlet de Shakespeare : "Serais-tu aussi chaste que la glace et aussi pure que la neige, tu n’échapperais pas à la calomnie".

Chantal Firmigier Michel a ensuite poursuivi ses réquisitions.

La procureure a rendu hommage aux forces de l’ordre après la récente barbarie que notre pays a connue. Et d’annoncer que c’est avec lucidité et détermination que la voie est tracée pour 2015 (AUDIO)

« Je serai d’une vigilance extrême pour l’année à venir » (AUDIO)

La magistrate détaillait ensuite les chantiers sur lesquels vont porter les efforts : violences aux personnes, violences dans le sport, les cambriolages, les contrôles de stupéfiants notamment dans les stations de ski, les fraudes aux prestations sociales (AUDIO)

Extraits du discours de Philippe Hoareau,
président du TGI de Tarbes

(…)En 2015, nous aurons quelques chantiers communs, tels la défense des mineurs, la médiation ou l’amélioration de la communication électronique.

Venons-en à nos chiffres d’activité. Comme chaque année nous avons établi une plaquette assez complète qui contient les chiffres les plus significatifs. Je ne les commenterai pas de manière exhaustive.

En matière pénale, il faut noter une certaine stabilité avec toutefois une nette augmentation des décisions de non-lieu ou de renvoi prononcées par le juge d’instruction et une montée en charge des convocations sur reconnaissance de culpabilité.

Les grands équilibres entre l’activité civile et l’activité pénale des magistrats du siège n’ont guère évolué. La question de l’audiencement des affaires pénales ne provenant pas du traitement en temps réel des infractions se posera avec encore plus d’acuité cette année même si nous l’avions anticipée en augmentant le nombre de CRPC.

En matière civile, les résultats de 2014 sont honorables mais moins bons qu’en 2013, qui avait vu une augmentation des décisions rendues et une réduction du stock, mais nous avons fonctionné sans juge d’instruction pendant près de neuf mois et sans vice-président non spécialisé pendant six mois. De plus, en septembre dernier les trois magistrats nommés ont participé à un stage de reconversion. En outre les divers mouvements de grève des avocats ont entraîné de nombreux renvois.

A compter de septembre nous avons eu à mettre en oeuvre la réforme du contrôle des hospitalisations d’office nécessitant la tenue de deux audiences hebdomadaires à l’hôpital de Lannemezan pour statuer dans les 12 jours de l’hospitalisation au lieu de 15 jours auparavant. La baisse du nombre de saisines et de décisions rendues démontre que le contrôle du juge est mieux anticipé et que les hospitalisations sous contrainte sont moins longues. Il faut s’en féliciter.

Nous avons mis également en application de la première vague de la réforme pénale avec l’entrée en vigueur de la contrainte pénale.

J’indique que le nombre de personnes suivies par les juges de l’application des peines est en constante augmentation et que les mesures les plus significatives en terme d’impact sur l’activité des juges de l’application des peines, en particulier en matière de libération sous contrainte, sont entrées en vigueur au premier janvier de cette année.

Nous n’avons pas eu à connaître d’action de groupe désormais permise par la loi du 13 février 2014 dite loi HAMON mais nous ne manquerions pas d’être touchés par le recours plus facile au juge départiteur envisagé dans la réforme de la procédure prud’homale actuellement en discussion. De même, la réforme de l’ordonnance de 1945 aura très vraisemblablement des conséquences sur l’activité des juges des enfants surtout si la césure du procès en deux étapes, très certainement utile dans certains cas, devait être généralisée à l’ensemble des dossiers de mineurs délinquants.

J’avais l’an dernier annoncé une inversion de la courbe du stock des affaires restant à juger au Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, qui s’était produite mais ne s’est pas confirmée cette année, en particulier du fait de difficultés en matière de secrétariat de cette juridiction qui n’est pas assuré par un fonctionnaire dépendant du ministère de la Justice. Une attention toute particulière devra de nouveau être mise en oeuvre cette année s’agissant du fonctionnement du TASS.

Je signale également la hausse de près de 10 % des affaires familiales nouvelles qui rendra plus difficile la réalisation de notre objectif d’audiencement à moins de trois mois des requêtes déposées en la matière.

Je voudrais exprimer mon soutien et ma solidarité aux magistrats et fonctionnaires de ce tribunal dont la conscience professionnelle élevée et le dévouement au service public de la justice ont permis un bon fonctionnement de la juridiction malgré les difficultés rencontrées.

Ce tableau vient en écho d’une délibération adoptée le 16 décembre 2014 par la conférence des premiers présidents qui n’est pas connue pour ses écrits extrémistes ou irresponsables et qui "appelle l’attention des autorités de l’Etat sur la situation critique des juridictions de première instance et d’appel qui ne sont plus en mesure de faire face dans des conditions satisfaisantes au traitement des contentieux qui leur sont soumis". Cette conférence considère que "dans bien des domaines cette situation pénalise les justiciables et confine au déni de justice".

Dans un état de droit, il est pourtant essentiel qu’une justice de qualité soit rendue dans des délais raisonnables.

Dans cette enceinte jusqu’à hier et à partir de lundi se tient la session du premier trimestre 2015 de la cour d’Assises des Hautes-Pyrénées qui est peu confrontée à la question du stock des affaires restant à juger et s’efforce, avec le concours de jurés populaires de rendre une justice de qualité. Il me parait utile aujourd’hui, en particulier pour ceux d’entre vous qui n’ont jamais été juré de lire l’article 353 du Code de procédure pénale.

"Avant que la Cour d’Assises se retire, le président donne lecture de l’instruction suivante, qui est, en outre affichée en gros caractères, dans le lieu le plus apparent de la chambre des délibérations".

"Sous réserve de l’exigence de motivation de la décision, la loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la Cour d’Assises" des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve ; elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes, dans le silence et le recueillement et de chercher dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : avez-vous une intime conviction".

Dans cette belle langue du code de procédure pénale, sont évoqués : le silence, le recueillement, la sincérité de la conscience, la raison, les devoirs. Il y a dans cette formulation quelque chose qui relève du sacré, de nature à faire vaciller tout mécréant iconoclaste.

Rassurez-vous, je ne vais pas lancer : Et Dieu dans tout ça ? Si ce n’est pour saluer la mémoire de Jacques CHANCEL, bigourdan émérite qui nous a quittés l’an dernier et qui a beaucoup fait pour la culture populaire, dans le bon sens du terme.

Pour revenir à la Justice des Hommes, notons que la Cour d’Assises doit répondre à des questions. Avant la loi du 10 août 2011, la réponse aux questions tenait d’ailleurs lieu de motivation.

Les jurés sont souvent surpris par la difficulté de la tâche qui leur est confiée. La question de la responsabilité pénale confrontée par exemple à la maladie mentale n’est pas facile. Celle de la place du libre-arbitre dans un contexte familial ou social toujours singulier n’est pas évidente. La question de la causalité. même en matière civile, sans remonter à la cause première, peut susciter bien des interrogations.

Maurice Blanchot, critique littéraire et romancier connu pour son goût du paradoxe a écrit que : "la réponse est le malheur de la question".

Ce point de vue s’entend s’agissant du critique. Sauf déni de justice, le juge lui doit répondre aux questions qui lui sont posées par les parties ou le Ministère Public.

Parfois, il lui plairait bien de choisir la méthode socratique, de répondre à une question par une question, de formuler des observations d’ordre général. Ce n’est hélas pas possible.

Le juge peut parfois regretter que dans une affaire les bonnes questions ne lui aient pas été posées mais il devra pourtant y répondre, non sans, au préalable s’être posé quelques questions.

Pour des questions d’ordre technique le concours des experts est utile. Je salue d’ailleurs les experts présents ce jour. J’indique que chaque année nous réunissons à TARBES les nouveaux experts inscrits sur la liste de la Cour d’Appel à l’invitation du docteur DISTELDORF et de M. POLLET. C’est l’occasion de leur indiquer ce que le juge attend de l’expert.

L’an prochain, nous inviterons à cette réunion de formation un représentant du Barreau afin que soit également exposé le point de vue de l’avocat.

Par-delà les questions techniques, le juge doit se poser des questions. Une affaire n’est jamais similaire à une autre. Il y a toujours place pour l’esprit critique.

Le droit a toujours une longueur de retard sur la société qu’il doit régir mais ce n’est pas forcément rédhibitoire.

Le doyen CARBONNIER aimait ainsi confronter les avancées des sciences sociales avec la science juridique pour faire de ce flexible droit un élément pertinent de régulation et d’évolution sociale.

Dans jurisprudence il y a certes prudence, chose déjà jugée qu’il faudrait dupliquer mais il peut y avoir résistance des juges du fond et revirement comme récemment dans l’affaire dite de la crèche Baby-loup.

Les objectifs d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ont été affirmés par la jurisprudence du Conseil Constitutionnel. Ils contribuent à la sécurité juridique mais le Conseil Constitutionnel permet à la loi de comporter une pari. d’incertitude quant à son application. De plus. le pouvoir d’appréciation des faits et d’interprétation de la norme applicable constituent l’office fondamental du juge qui doit d’ailleurs se prononcer dans un contexte d’inflation législative.

Les français adorent la loi. Quelle que soit leur sensibilité politique, ils sont persuadés qu’elle est le remède à tous les maux. Elle apparaît en outre comme un excellent moyen de communication médiatique. Les trente dernières années se caractérisent par une accélération du rythme normatif.

Le développement du droit international, l’expansion du droit communautaire y contribuent.

Ce foisonnement législatif et réglementaire rend l’adage "nul n’est censé ignorer la loi" bien théorique. Il ne favorise pas la tâche du juge, rend les décisions civiles ou sociales moins prévisibles et la répression plus compliquée.

J’emploie à dessein le mot répression qui a mauvaise presse mais, en matière de libertés publiques, gardons à l’esprit que le régime répressif est le plus respectueux des libertés. Le principe de légalité des délits et des peines se traduit aisément en la formule selon laquelle nous avons le droit de faire ce qui n’est pas interdit. Ce principe est un pilier de l’Etat de droit, un préalable démocratique.

Récemment, dans des circonstances dramatiques, la question de la liberté d’expression a fait la une des médias. Cette question n’est pas nouvelle. Un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme a affirmé en 1976 que la liberté d’expression vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec ferveur ou considérées comme inoffensives mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population,

Il existe en France une tradition ancienne de la satire. Il est communément admis que la caricature bien que délibérément provocante participe de la liberté d’expression et de communication des pensées et des opinions. Comme la musique, le dessin de presse n’a pas besoin de mots. Il est universel et touche au plus profond, les rieurs rejoignant le camp de celui qui tenait le crayon.

Souvenons-nous cependant qu’Honoré Daumier qui aimait croquer les gens de robe et Charles Philipon, avec ses dessins de poire représentant le roi Louis-Philippe, ont été condamnés à des peines de prison ferme pour des caricatures.

C’était avant la loi du 29 Juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cette loi n’a pas fait du juge, le juge du bon goût. Elle affirme la liberté niais ne permet pas tout. La liberté d’expression connaît des limites, l’humour ne saurait en effet servir à masquer des buts illégitimes.

L’injure, la diffamation, la provocation à la haine raciale sont prohibées.

Depuis novembre 2014, la provocation ou l’apologie d’un acte terroriste sont réprimées par le code pénal. Le transfert de ce délit de la loi de 1881 sur la liberté de la presse au code pénal n’est pas anodin et doit nous conduire à une vigilance accrue dans l’application des règles de droit.

La Ligue des Droits de l’Homme et Amnesty International viennent d’interpeller la France à la suite des arrestations pour apologie du terrorisme qui ont suivi l’attentat contre Charlie Hebdo.

Il appartient, il appartiendra au juge civil ou pénal de se prononcer, si possible en dehors des procédures d’ urgence, à l’issue d’un procès équitable par une décision motivée susceptible de recours. Le juge décidera en gardant à l’esprit la formule du serment du juré de l’article 304 du Code de Procédure pénale qui lui demande de statuer avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre.

En matière d’atteinte à la liberté d’expression, plus encore que dans d’autres domaines, il y a lieu de statuer avec mesure. Maître Basile ADER a pu écrire que "la caricature et la satire étant par nature abusives, les limites du droit à l’humour doivent être considérées comme des abus d’abus".

La question de l’abus de droit mériterait de longs développements mais quand sont abattus au nom d’un fondamentalisme religieux obscurantiste des artistes, des journalistes, des policiers, des hommes et des femmes de ce pays, faut bien reconnaître que dire le droit ne suffit pas.

L’essai d’Amine Maalouf intitulé "les identités meurtrières" paru en 2007 était hélas prémonitoire. Dans son roman paru en 2012 intitulé "Les Désorientés" plusieurs amis, de confessions différentes, qui ont quitté le Liban et y reviennent à l’occasion de l’enterrement d’un des leurs, se rendent compte que le vivre-ensemble n’est plus possible et sont emportés par une nostalgie incurable du monde d’avant.

Un sursaut collectif, laïque et citoyen s’impose pour démentir en France le constat de ce roman d’Amine Maalouf.

Jean-Marie Gustave le Clezio, celui-là même qui écrivait que coexister c’est comprendre ce qui peut offenser l’autre, a publié récemment une lettre à sa fille dans le quotidien Le Monde. Après nous avoir invité à briser les ghettos et à donner sa chance à chaque habitant de ce pays, il nous dit qu’"il faut cesser de laisser se construire une étrangeté à l’intérieur de la Nation. II faut remédier à la misère des esprits pour guérir la maladie qui ronge les hases de notre société démocratique".

Ces propositions ne sont pas contradictoires mais elles ne sont pas aisées à mettre en oeuvre. Nous sommes tous concernés dans ce processus visant à instaurer une société moins violente, plus tolérante.

Au plan judiciaire, pour favoriser le lien social nous pouvons développer les modes de résolution amiable des différends.

A toutes les audiences civiles du Tribunal d’Instance ou de la juridiction de proximité sont présents des conciliateurs bénévoles. Ces hommes de bonne volonté qui reçoivent également dans les mairies rendent des services importants et mal connus. Ils ont accueilli plus de 2000 personnes l’an dernier dans le département. Ils ont réglé 785 conflits verbalement et ont établi 91 constats écrits d’accord dont 61 ont été homologués par le juge d’instance. Qu’il me soit permis ici de rendre hommage à leur participation à l’oeuvre de justice.

Nous pouvons également favoriser la médiation familiale ou civile qui sont des facteurs de paix familiale ou sociale.

En 2015, à l’instar de ce qui existe à Pau, et vraisemblablement en synergie avec l’expérience paloise, sera mise en place la médiation civile à TARBES. Il s’agit d’une petite révolution culturelle pour les avocats et magistrats mais la médiation a pour objectif de rapprocher les personnes, de rétablir le dialogue et il n’y a pas de raison de priver les justiciables bigourdans de cette procédure.

S’agissant de la médiation familiale qui existe déjà dans notre juridiction, il y aura lieu de la développer pour, selon la formule de M. JUSTON, président du TGI de TARASCON, donner à nos enfants la possibilité de devenir des hommes grâce à des parents qui se respectent et dialoguent.

Il est temps de clore ces propos mais je ne saurai le faire sans me faire l’écho des soubresauts médiatiques qu’à connus cette juridiction en vous livrant ces quelques mots tirés de la pièce Hamlet de Shakespeare :

"Serais-tu aussi chaste que la glace et aussi pure que la neige, tu n’échapperais pas à la calomnie".